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élytres rappellent et la couleur et la forme. Chose plus curieuse encore, de cette bête à tête cornue, à formidables pattes ravisseuses en scie, la livrée varie du vert au gris, copiant le végétal frais ou sec sur lequel l’insecte se tient.

Les terrains secs ne sont pas absolument délaissés. J’ai recueilli sur les talus rocailleux qui descendent doucement vers la pièce d’eau majeure une grosse sauterelle assez intéressante. C’est un congénère de ces Cératodères africains, abondant dans les déserts des Somalis et que j’ai jadis observés à Obock. Le Ceratoderes monticollis mérite son nom par son haut corselet tranchant. Cramponné aux broussailles à la force de ses pattes épineuses, il s’y perd à l’exemple des mantes et non moins qu’elles il simule une feuille fanée. Voici maintenant des courtilières, proches parentes de notre taupe grillon, détestée des jardiniers, mais bien plus petites. Elles fouissent la terre humide et se traînent péniblement hors de leur galerie quand nous inondons la rive en grand pour faire sortir les habitans hypogées. Cette courtilière modeste et roussâtre a une distribution géographique immense qui couvre l’Afrique et l’Asie tropicales et aussi l’Indonésie, région qu’on appelle aussi Insulinde, quoique le premier nom soit plus ancien et en tout meilleur. Dès 1805, Palisot de Beauvois avait décrit cet orthoptère sous le nom de Gryllotalpa africana.

Enfin, parmi la quantité de criquets, de locustes étranges qui volettent, bondissent, galopent autour de moi, je retrouve encore une forme des déserts africains. Si je ne connais pas cette espèce[1], je la rapporte sans hésiter au groupe des pyrgomorphides, comprenant des sauterelles aptères qui promènent, au ras des terres arides, par la forte ardeur du soleil, leur long corps cylindrique verdâtre et roux rehaussé de bandes écarlates. Ainsi je les observais jadis au Sénégal et en Ethiopie. Quant aux autres bêtes de la terre, de l’air et de l’eau, je renonce à vous en donner même un aperçu général ; car les régions désolées présentent souvent la faune la plus riche. Mais disette de Cicindèles. Seule la vulgaire Cicindela catena se retrouve ici, encore y affecte-t-elle une coloration différente de celle des individus que j’ai pris à Colombo et à Pondichéry. L’élégant insecte cuivreux dont

  1. Ce pyrgomorphe était nouveau pour la science. Le savant zoologiste de Madrid, le Dr Bolivar, l’a décrit sous le nom d’Orthacris Maindroni, le type est déposé au Muséum de Paris.