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LE PROBLÈME CRIMINEL
AU MOMENT PRÉSENT

Les nations ont souvent le tort de ne s’intéresser au problème militaire que le lendemain d’une défaite. Il est de même une partie du public qui, pour regarder au problème criminel, attend le jour où l’armée du crime sera devenue trop nombreuse, trop audacieuse, trop difficile à réprimer : or c’est là le cas incontesté de l’heure présente. Il a fallu un crime plus retentissant et une faiblesse plus inattendue pour qu’on agitât de nouveau ce problème qui est cependant de toutes les époques, comme ceux de la souffrance, de la misère et de la guerre.

Il est de toutes les époques, mais toutes les époques ne le comprennent pas de la même manière. Les conditions de vie de l’humanité changent : la structure sociale se modifie ; les espérances se déplacent ; des moyens d’action nouveaux font naître des illusions qui ne tarderont pas beaucoup à se dissiper, mais qui seront remplacées par d’autres. Périodiquement on s’imagine découvrir des méthodes qui avaient le tort d’être oubliées : on s’en engoue pour la troisième ou la quatrième fois, jusqu’à ce qu’on ait fait à son tour l’épreuve de leurs défauts et de leurs mérites. Il en résulte que, périodiquement aussi, on s’applique à démêler ce qui, dans l’objet des préoccupations contemporaines, est soit ancien, soit nouveau, et de les réajuster l’un à l’autre.

C’est évidemment cette tâche que Napoléon avait en vue quand il disait que le système militaire d’un peuple doit changer tous les dix ans. Il ne prétendait pas qu’on dût bouleverser tous