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les principes de la stratégie et de la tactique. Il entendait qu’à certains intervalles et sans jamais beaucoup attendre, chaque peuple devait compter et peser à nouveau toutes les données du problème militaire, comparer ses ennemis du jour à ceux de la veille, se rendre compte de leurs progrès comme de ceux de ses alliés, suivre d’année en année les modifications apportées aux moyens d’attaque ou de défense, puis, en conséquence, rectifier ses calculs, rectifier aussi, ses mouvemens et les combinaisons de ses efforts. Dans le problème criminel avons-nous des données nouvelles ? Quelles sont-elles ? Que réclament-elles de nous ? Si les malfaiteurs ont de nouvelles armes contre nous, que faisons-nous de celles que nous avons ?

La première de toutes les données du problème criminel est ce que l’on appelle le mouvement du crime. Y en a-t-il un, et dans quel sens ? Puis, le mouvement total doit envelopper un certain nombre de mouvemens partiels dont les uns s’accélèrent, dont les autres se ralentissent, et qui contribuent, les seconds comme les premiers, à modifier la signification de l’ensemble. Or, avons-nous ces données ? Oui, mais depuis un temps relativement restreint. La statistique criminelle n’existe véritablement chez nous que depuis 1825[1]. Fut-on plus criminel au XVIIIe siècle qu’on ne l’a été au XIXe ? Qu’est-ce qui l’emporte dans le siècle de Rousseau et de Voltaire ? Est-ce la douceur de la vie ? Est-ce l’égoïsme ? Est-ce le charme des manières et la complaisance mutuelle ? Est-ce l’emportement des sens déguisé sous des raffinemens ingénieux ? Y avait-il alors plus d’hypocrisie que sous Louis XIV ou moins, et le peuple était-il plus résigné ou plus prêt à la révolte ? Et, pour parler de quelque chose de plus positif, volait-on ou tuait-on moins ou davantage ? Au fond, nous n’en savons rien, j’entends rien de précis, rien de sûr, rien de scientifique. On nous décrira bien tels ou tels milieux : on nous racontera bien telles ou telles crises. Ces descriptions et ces récits ne nous donneront pas plus de certitude sur l’état permanent des esprits, que la peinture des années de disette ne peut nous donner une idée précise de la situation normale, habituelle des paysans. Les données rigoureuses nous

  1. Elle a été introduite beaucoup plus tardivement dans les autres États.