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lui aussi, quoique plus timidement, son cri d’alarme, commençaient à prendre dans l’ombre toutes les mesures nécessaires à l’accomplissement de leur programme. Mais ce qui les avait précisément surexcitées, c’était l’ensemble des succès obtenus par les représentans de l’esprit d’ordre, de charité et de paix, c’était l’extension des œuvres dont nous avons dû affirmer déjà la salutaire influence. Ces œuvres avaient bien leur part, la meilleure, dans le mouvement de régression qui allait se dessiner et auquel contribuait une autre cause, artificielle et regrettable.

Revenons maintenant aux périodes ascendantes : nous les retrouvons à cette statistique comme à l’autre. Les premières années du XXe siècle voient l’ensemble des plaintes, dénonciations et procès-verbaux, — qui n’étaient en 1890 que 250 553 — monter successivement à 517 000, — à 525 000, — à 528 000, — à 529 000, — à 543 000, — et enfin (en 1905) à 546 257. C’est surtout en 1903 que le bond a été violent : augmentation de 14 500 dans une seule année. Or, 1903 est bien l’année des interpellations succédant aux campagnes de presse contre les congrégations hospitalières. C’est l’année où commencent les destructions arbitraires, où l’on ouvre enfin dans le rempart héréditaire les brèches destinées à préparer le grand assaut.

Mais si nous avons tenu à appliquer à la criminalité française cette autre mesure de la plainte, ce n’est point pour nous borner à constater que les résultats qu’elle donne coïncident assez bien avec celui des jugemens rendus. Elle va nous permettre de voir un autre aspect du péril criminel en nous donnant le nombre des crimes et délits non poursuivis, et notamment des délits qu’on n’a pas poursuivis parce qu’on n’a pas pu en découvrir les auteurs. Depuis que l’attention a été attirée sur ces chiffres, ils ont provoqué, d’un côté, beaucoup d’étonnement et presque de stupeur, d’un autre côté, des efforts ingénieux en vue de nous donner une interprétation moins pessimiste.

Pour commencer par le fait brut, disons que les infractions, à auteurs inconnus ne dépassaient pas 10 000 en 1825, que, sous le second Empire, elles oscillaient autour de 30 000, et que si la marche ascendante en a été arrêtée, elle aussi, pendant un instant très court en 1897, elle n’en est pas moins arrivée à 107 710 en 1905, dernière année dont nous ayons la statistique.

Ce qui mérite d’attirer ici l’attention, c’est surtout, on le comprend aisément, la progression. Assurément, il ne faut pas