donné par une animation extraordinaire des bourses, ces vastes marchés financiers où viennent aujourd’hui se manifester les résultats de la plupart des entreprises, où se cotent les crédits des États et des sociétés particulières, où chaque pulsation de la vie économique pour ainsi dire se répercute instantanément, où le plus souvent même l’avenir est escompté, tant l’effort des intelligences tendues vers un même but, c’est-à-dire occupées à calculer le cours probable des événemens, amène une perception nette du lendemain. Les actions des chemins de fer américains, au cours de l’été de 1906, furent poussées à des hauteurs que beaucoup d’entre elles n’avaient jamais connues : cette ascension rapide paraissait justifiée par des déclarations de dividendes qui, dans quelques cas, passèrent du simple au double ; l’Union Pacific donnait 10 pour 100, la Southern Pacific 5 pour 100, et la Bourse les capitalisait en général au denier vingt, ce qui ne semblait pas exagéré. Les actions d’un grand nombre d’entreprises industrielles suivaient la même marche : celles de la célèbre corporation de l’acier, qui au début du siècle étaient tombées à quelques dollars, s’élevaient au cours de 50, et le reste à l’avenant.
Cependant, après l’apogée de ce mouvement de hausse, qui eut lieu au mois d’août 1906 et qui coïncida avec des déclarations imprévues de dividendes sur les principales lignes de chemins de fer, une certaine hésitation se fit sentir. Les gens sages pensaient que ces augmentations de dividendes, si même les recettes les justifiaient, auraient gagné à être réparties sur quelques exercices. D’autres critiquaient les opérations gigantesques par lesquelles plusieurs compagnies de chemins de fer avaient acheté ou vendu d’énormes quantités d’actions d’autres lignes dont elles voulaient s’assurer le contrôle, ou le céder à des tiers. Ensuite, fait plus significatif, les besoins de capitaux s’annonçaient comme devant être considérables : les chemins de fer en particulier, tout en accusant des recettes en progression rapide et en faisant apparaître dans leurs bilans des bénéfices importans, préparaient des appels au crédit sous toutes les formes, afin de procéder à des travaux d’extension et d’amélioration. Beaucoup d’entre eux, et ce furent peut-être les plus sages, créèrent de nouvelles actions : la compagnie de Pensylvanie, qui passe pour l’une des premières et des mieux administrées, doubla son capital, qui s’élève maintenant au chiffre respectable