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de 400 millions de dollars, soit plus de 2 milliards de francs. D’autres émirent des obligations à la mode américaine, c’est-à-dire remboursables en bloc à une date déterminée ; plusieurs de ces catégories d’obligations donnent à leur possesseur le droit d’en demander l’échange, pendant une période qui atteint parfois jusqu’à dix années, contre des actions de la compagnie à un cours fixé d’avance. Enfin, certaines entreprises, voyant qu’elles ne pouvaient placer ni actions ni obligations à long terme, contractèrent une dette flottante au moyen de l’émission de bons à courte échéance, que les Américains désignent du nom de notes, et qui sont en général remboursables à un, deux ou trois ans de date.

Ces divers appels à l’épargne ne trouvant qu’un écho insuffisant dans le pays, on s’adressa aux marchés européens, que l’on trouva peu disposés à souscrire à ces diverses émissions. La difficulté de les placer forçait naturellement les emprunteurs à élever constamment le taux de l’intérêt qu’ils s’engageaient à servir ; c’est ainsi que des obligations des meilleures lignes restèrent sur les bras de syndicats qui les avaient prises ferme et ne réussissaient plus à repasser au public : aussi le cours en baissa-t-il de façon notable, entraînant les actions et forçant les compagnies à placer leur signature à des taux inconnus depuis longtemps sur le marché des capitaux. Le programme des travaux à accomplir, des doublemens de voie, des remplacemens de rails, des agrandissemens de gares, des commandes de matériel, dressé entre autres par le célèbre Hill, président du Great Northern, un des plus éminens railroadmen (hommes de chemins de fer) de l’Amérique, inquiéta au plus haut degré le monde des affaires, qui commençait à se rendre compte de l’écart grandissant entre l’épargne annuelle du monde et les appels qui lui étaient adressés.

M. Paul Leroy-Beaulieu, avec sa sagacité ordinaire, a fait remarquer que ces appels pour 1907 s’élevaient à un total de 16 milliards de francs ; alors que les économies des peuples civilisés ne dépassent guère en ce moment 12 milliards par an, c’est-à-dire les trois quarts seulement de la somme demandée. Cette disproportion devait fatalement avoir pour résultat un arrêt dans le développement des affaires. Cet arrêt ne s’est pas produit immédiatement, parce que l’échafaudage du crédit permit de masquer pendant un certain temps la situation. Les sociétés qui avaient besoin de capitaux purent se faire ouvrir des comptes