tout à coup, des auteurs anglais et de leurs lecteurs : ce n’étaient, de toutes parts, qu’histoires d’adultères, aventures de jeunes femmes émancipées affirmant leur droit à jouir de la vie, confessions de « filles » plus ou moins repenties, tableaux minutieux et hardis de la dépravation des mœurs dans les « rues basses » des faubourgs de Londres.
Aujourd’hui, fort heureusement, cette fièvre « naturaliste » paraît avoir beaucoup perdu de son intensité : le public anglais, — ainsi que suffirait à nous le prouver l’extraordinaire renouveau de popularité des romans de Dickens, — s’est remis à pouvoir goûter des œuvres « traitant d’autre chose que des phénomènes divers qui caractérisent les deux sexes ; » et peut-être n’est-ce point simplement par une rencontre fortuite que la résurrection de la gloire du grand romancier a coïncidé avec le retour des compatriotes de Dickens au goût des peintures décentes, aussi bien dans la comédie et le drame que dans le roman. Mais l’ancienne domination absolue des « convenances, » après avoir duré exactement un siècle, n’en reste pas moins désormais abolie ; et si bon nombre des romanciers d’à présent réussissent à plaire sans avoir besoin de toucher à l’élément sensuel de l’amour, l’étude détaillée de cet élément continue cependant à être permise et encouragée, de l’autre côté de la Manche, autant, sinon plus, qu’elle l’est chez nous. Entre les cent cinquante romans que je viens de lire, j’en ai trouvé une vingtaine qui, par la liberté de leurs sujets ou de leurs descriptions, dépassent les « tranches de vie » les plus audacieuses que nous ait jadis offertes l’école de Médan. Et les auteurs de ces romans ne cherchent même plus, comme les romanciers « sexualistes » dont je parlais il y a douze ans, à couvrir leur franchise ou leur grivoiserie du prétexte d’une « thèse : » les aventures scandaleuses qu’ils nous racontent ne prétendent à nous intéresser que par ce qu’elles ont de « choquant, » soit que l’on nous montre une femme partageant son cœur entre son mari et ses deux amans, ou qu’on nous promène à travers les bals publics, les cafés-concerts, et les restaurans de nuit d’un Paris fantaisiste et tout à fait incroyable, — d’un Paris qu’un groupe nombreux de romanciers anglais semblent avoir inventé, en commun, afin de pouvoir y transporter toutes les images de luxure et de vice que leurs sens échauffés leur feront concevoir. Hier encore, un rédacteur du Bookman protestait violemment contre