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toutes ces œuvres sont, en soi, très justifiées, mais peut-être pourrait-on les espacer davantage : on risque, en les faisant quasi toutes à la fois, de provoquer une crise de main-d’œuvre, puis, dans une demi-douzaine d’années, quand tout ce programme sera achevé et qu’on ne pourra pas lui en faire succéder un autre, de plonger le pays dans une sorte de langueur.

Comme colonie d’exploitation, la Tunisie donne, à l’heure présente, les plus beaux résultats : le commerce extérieur, qui, dans les cinq années qui ont précédé notre occupation, était en moyenne de 23 millions de francs (18 125 000 francs, chiffre le plus bas en 1877-78 et 27 354 000 francs, chiffre le plus haut en 1875-76), s’est élevé à 160 millions en 1904, 149 millions en 1905 et 170 millions en 1906, ayant ainsi presque septuplé depuis l’occupation française, en un quart de siècle. Le budget qui, dans les dernières années du gouvernement beylical, variait de 10 à 12 millions est prévu pour un chiffre de recettes ordinaires de 34 millions ; mais celles-ci, par des plus-values constantes, s’élèvent à une quarantaine de millions et font ressortir des excédens habituels des recettes sur les dépenses, lesquels sont rarement inférieurs à 6 ou 7 millions.

Comme colonie de peuplement, les résultats sont moins remarquables. Ce n’est pas que la population européenne totale de la Tunisie soit insignifiante ; le recensement de 1906 a constaté la présence en Tunisie de 128 893 personnes d’origine européenne. On estime que, il y a vingt-six ans, avant l’occupation française, il ne s’y trouvait que 20 000 à 25 000 Européens ; il s’en est donc établi une centaine de mille depuis le protectorat, et cela, en soi, serait satisfaisant. Mais sur ces 128 895 Européens qu’on trouve, à l’heure présente, en Tunisie, le nombre des Français n’est que de 34 610, dont 2 157 naturalisés, ce qui fait ressortir 32 453 Français d’origine ; ce n’est certes pas un effectif négligeable, mais il est encore bien restreint, en face des 94 285 étrangers européens, dont 81 156 Italiens et 10 330 Maltais. On estime qu’un tiers environ de la population civile française est formé par les fonctionnaires et leurs familles. L’administration fait de très louables efforts pour attirer des Français ruraux : elle achète aux collectivités ou aux grands propriétaires arabes, également aux grands propriétaires européens, de vastes domaines qu’elle défriche et met en état pour les morceler et les offrir, à des conditions avantageuses, aux petits et aux