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moyens colons français De ses statistiques il résulte que 695 Français, dont 401 cultivateurs, en 1905, et 757 Français, dont 344 cultivateurs, en 1906[1], sont venus se fixer en Tunisie. Ces nombres sont honorables, sans être encore bien réconfortans, car il faudrait en déduire les départs qui ne laissent pas que d’atteindre aussi un certain chiffre, sur lequel on n’est pas fixé.

L’essor de la Tunisie a soulevé divers problèmes administratifs et sociologiques délicats. Outre les 129 000 Européens en chiffres ronds, dont 34 610 Français de nationalité, la Tunisie compte une population indigène qui n’a jamais été recensée et que l’on estime en général à 1 500 000 âmes, dont 64 000 Israélites indigènes. On a fort sagement, cette année même, admis seize représentans indigènes, quinze musulmans et un Israélite, nommés par le gouvernement, dans la conférence consultative qui se compose d’une majorité de Français élus au suffrage universel par catégories. Les Israélites indigènes, particulièrement dans les villes, prennent rapidement les mœurs et les idées européennes ; ils fréquentent nos écoles de tout ordre, y compris le lycée Carnot à Tunis ; un certain nombre d’Arabes font de même ; les uns et les autres visent les diverses professions commerciales et industrielles, et également les professions libérales, celles d’avocat et de médecin. Cet essor est très louable, mais s’il se développe rapidement et notablement, il comprimera l’élément européen. Déjà les membres indigènes, pour signaler leur entrée dans la Conférence consultative, réclament qu’une partie, — ils réclamaient d’abord la moitié, puis ils se rabattent sur le quart, — des emplois de commis d’administration, en particulier de commis de l’administration des postes, soient confiés à des indigènes. L’opinion européenne y résiste et la majorité de la Conférence s’est opposée à ce vœu ; mais il sera difficile de l’écarter indéfiniment : la part des Français se trouvera d’autant réduite.

Il a surgi une presse arabe, en partie habilement pacifique, dans les organes supérieurs, en partie sournoisement ou même ouvertement hostile, dans les feuilles inférieures. Quelques-uns de ces petits journaux indigènes, s’attaquant soit aux institutions, soit aux entreprises et aux sociétés françaises, ont une action nuisible. Autrefois, la presse était astreinte à un cautionnement

  1. Rapport au président de la République sur la situation de la Tunisie. — Statistique générale de la Tunisie en 1906, Tunis, 1907, p. 56.