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ambassadeur de Louis XVI, du fils d’un maréchal de France et d’un ministre de la Monarchie, ne pouvait rencontrer chez lui qu’un favorable accueil, dont les effets se firent promptement sentir. Reconnaissons d’ailleurs que Ségur ne négligea rien pour aider la fortune. Membre du Corps législatif, c’est lui qui, en 1802, rompant, par un détour habile, le silence que les lois imposaient à cette assemblée, propose l’ouverture d’un registre où ses collègues et lui consigneront le vœu de conférer à Bonaparte le Consulat à vie : « Ce vœu, s’écriait-il[1], répété bientôt dans toute la République, rassurant tous les amis de la patrie, enlevant toute espérance aux factions, liera constamment notre sort aux destinées glorieuses du conquérant de l’Egypte et de l’Italie, du citoyen courageux qui a terrassé l’anarchie, du héros dont le génie audacieux a franchi les Alpes, désarmé tous nos ennemis, vaincu tous nos préjugés, calmé toutes les consciences, et qui vient enfin de donner la paix au monde ! » Ces mots sont acclamés et, sur une motion de l’orateur, une députation est nommée pour porter ce vœu au Consul. Dès lors, sous le nouveau régime, la carrière de Ségur est brillante et rapide. D’abord, comme conseiller d’Etat, il coopère à la rédaction de nos codes, à l’œuvre immense de réorganisation nationale qui sera la gloire éternelle du génie de Napoléon. Puis, coup sur coup, il est investi des fonctions de grand officier du Palais, de grand maître des cérémonies, de sénateur avec dotation, fonctions qu’il cumulera durant tout le cours de l’Empire.

A dire le vrai, sa carrière naturelle eût été la diplomatie, où l’eussent servi son nom, ses goûts, ses aptitudes et son expérience du métier. Qu’il l’ait ardemment désiré, la chose n’est point doueuse. Lorsque, en 1804, il fut question de donner à Talleyrand une sorte de coadjuteur et de nommer un « sous-ministre des Affaires étrangères, » Ségur se mit sur les rangs. « Les plus grandes probabilités pour cette place sont en faveur de Ségur, » disait Charles de Nesselrode. Mais il semble que, dans cette voie, Talleyrand lui ait barré obstinément la route, craignant peut-être un successeur possible ; du moins est-ce là ce que nous assurent ces mêmes lettres de Nesselrode : « Je ne vous ai fait ce long récit sur M. de Ségur, écrit-il à son fils, que pour que vous appreniez à connaître à fond le caractère d’un homme destiné vraisemblablement

  1. Séance du 22 floréal an X.