Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/712

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus générale, le livre est absolument remarquable. Et c’est un trait enfin qui n’est point sans quelque grandeur, que cette femme politique, qui fut une femme de lettres, ait eu pour ambition suprême de se continuer, au-delà de la mort, par ce qu’elle jugeait le meilleur d’elle-même, par son esprit et sa pensée.

Anne Comnène mourut en 1148, à l’âge de soixante-cinq ans. Un contemporain qui la connut bien a vanté ses grands yeux mobiles qui montraient l’activité de sa pensée, la profondeur de ses connaissances philosophiques, la supériorité vraiment impériale de son esprit : il conclut, d’un trait spirituel, en disant que, si la Grèce antique l’avait connue, elle eût ajouté « une quatrième Grâce aux Grâces, une dixième Muse aux Muses. » Ce fut à tout le moins une femme tout à fait distinguée, l’un des plus beaux esprits féminins que Byzance ait produits, et très supérieure à la plupart des hommes de son temps. Quoi qu’on puisse penser de son caractère, il y a quelque mélancolie dans l’existence de cette princesse justement ambitieuse, et qui manqua si cruellement sa vie.


CH. DIEHL.