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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/716

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intérêts et les droits spéciaux que nous avons au Maroc. C’est ici que M. Delcassé reprend ses avantages. On peut s’étonner qu’il ait gardé un aussi mauvais souvenir d’une conférence où ont été mises à l’épreuve les alliances et les amitiés qu’il a resserrées et contractées, épreuve d’où elles sont sorties intactes, ou plutôt fortifiées. N’est-ce pas là un motif suffisant pour ne pas garder rancune à la Conférence et pour ne pas regretter d’y être allé ? Quant à nous, on le sait, nous n’avons jamais donné au Maroc qu’une place secondaire dans nos ambitions politiques, et nous aurions préféré que M. Delcassé eût assigné un autre but à son activité et à son habileté. Le Maroc reste à nos yeux la partie contestable de sa politique ; les rapprochemens qu’il a faits avec plusieurs grandes puissances en sont, au contraire, la partie maîtresse et solide. On a pu dire de lui que, s’il n’a pas été aussi heureux dans toutes les autres, il avait préparé lui-même les moyens de faire face aux difficultés qui devaient nous y assaillir. Il s’est plu, dans son discours, à rappeler la situation de la France après ses désastres, et à la comparer à celle d’aujourd’hui. Bien des choses, en effet, ont changé depuis trente-sept ans. M. Delcassé n’a été ni le seul, ni le premier, à mettre la main à la tâche ; mais ce que d’autres avaient commencé, il l’a très intelligemment continué. Il a noué un faisceau qui a résisté, sans lui, mais en partie grâce à lui, à la bourrasque de 1905. C’est probablement ce que dira l’histoire, et c’est ce qui a fait que, le 24 janvier, quand il a reparu à la tribune, il a rencontré tout de suite des sympathies qui se sont bientôt changées en des sentimens plus vifs.

Son discours a produit une impression non moins profonde, plus profonde même, peut-être, à l’étranger qu’en France ; il est devenu tout de suite un événement européen. En Angleterre, l’approbation a été générale et chaleureuse, ce dont il ne faut pas s’étonner, mais dont il faut se féliciter, puisque cela prouve que, de l’autre côté de la Manche, on ne tient pas moins à l’entente cordiale que de celui-ci. Le rapprochement franco-anglais est assurément aujourd’hui une des plus précieuses garanties de la paix générale, et il l’a été aussi en 1905, à supposer, — bien que M. Delcassé ne le croie pas, — que la paix ait couru à ce moment quelque danger. En Italie, l’approbation a été vive aussi, et nous nous en réjouissons : trop longtemps, des malentendus ont pesé sur les rapports des deux pays, ils sont enfin définitivement dissipés. En Espagne, le discours a été accueilli avec plus de réserve. L’Espagne entend s’enfermer très strictement dans le programme d’Algésiras, et elle se demande parfois, non sans quelque appréhension,