Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/912

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bernard Keller, batelier ; le lundi, chez Bernard Ulrich ; le mardi, chez Antoine-Michel Brandt ; le mercredi, chez Barthélémy Firmbach ; le jeudi, chez Antoine Reis, maître d’école ; le vendredi, chez Barthélémy Rosbach. Un frère de ce dernier, Adam Rosbach, pauvre et chargé d’enfans, voulut bien, quand même, me donner l’hospitalité chez lui. » C’est dans la société de ces dignes gens qu’il passa l’hiver de 1795, l’un des plus terribles hivers dont on ait gardé la mémoire. Jamais il ne s’était senti entouré d’affections plus dévouées ; et si son second séjour à Maestricht lui avait apporté plus de bien-être et de distractions, le récit qu’il nous en a laissé n’est cependant pas aussi ému, aussi pénétré, tout ensemble, d’admiration et de reconnaissance, que les pages où il nous raconte l’accueil qu’il a reçu de ces pauvres paysans allemands, se privant eux-mêmes du nécessaire pour subvenir à l’entretien d’une demi-douzaine de prêtres français. A Cologne, d’ailleurs, il avait rencontré déjà un petit marchand-grainetier qui, par simple charité chrétienne, l’avait reçu chez lui, et lui avait prodigué les soins les plus touchans.


Mais un jour vint où les armées révolutionnaires, comme elles l’avaient chassé des Pays-Bas, l’obligèrent encore à quitter sa paisible retraite de Prozelten. « Je n’avais pas de ressources, et ne savais pas où m’en procurer. Toutefois, j’entendais dire, avec tant de persistance, que les républicains allaient arriver que je me hâtai de partir. » Le 24 septembre 1795, exactement un an après son départ de Cologne, il dit adieu à ses bienfaiteurs, et, en compagnie d’un confrère, l’abbé de Mallargues, se dirigea vers Augsbourg, où il s’attendait à trouver une occupation lucrative. Hélas ! il ne devait point tarder à découvrir que tous les paysans allemands ne ressemblaient pas à ceux de Prozelten, pour la pratique des œuvres de miséricorde. Jusqu’à Wurtzbourg, le bon Barthélémy Firmbach, son hôte des mercredis, le conduisit « gratis » dans sa carriole ; mais ensuite un voiturier franconien, qui lui avait promis de le mener de Wurtzbourg jusqu’à Nuremberg, et qui s’était fait payer à l’avance le prix du voyage, le déposa impudemment à mi-route, dans une auberge de campagne, « en se récriant sur les exigences des papistes, comme il nous appelait. » Dans cette misérable auberge l’abbé eut à rester cinq jours, faute d’argent pour continuer son chemin. Le curé catholique de l’endroit, lui-même, l’accueillit