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et s’acheminant vers la prise d’Alger. Il serait, en effet, bien curieux de suivre les étapes de la conquête française vue non plus du dehors, derrière nos armées, mais du dedans, du fond des oasis, de l’intérieur des ksours, sous la poussée des événemens. Il y a là une tâche digne d’attirer le chercheur. Dans un second dossier, qui sera sans doute publié avant peu, M. Martin s’est proposé de dresser l’inventaire des Oasis sahariennes. Successivement il étudie les habitans, les eaux, les productions, l’industrie et le commerce, les conditions physiques de l’existence, les formes de la vie végétale, animale et humaine, enfin les possibilités d’avenir. Cette monographie s’inspire des principes si nettement formulés par M. Henri Schirmer dans le Sahara[1], livre aujourd’hui classique, qui demeure le guide de ceux que tente l’examen des grands phénomènes dont les êtres et les choses subissent la loi dans ces immensités désertiques.

De telles enquêtes nous entraîneraient bien loin. Bornons-nous à constater le rôle de route intercoloniale que joue la ligne des Oasis au Niger dans l’empire africain français. On s’en tient, pour le moment, à l’exécution d’un télégraphe transsaharien qui, du Sud-oranais, va à la Saoura et se prolongera jusqu’au Touat pour rejoindre, au Nord de l’Adrar, un autre tronçon venant de la région de Tombouctou. C’est un commencement. L’avenir nous dira s’il faut nous engager plus avant dans cette voie.

Quoi qu’il en soit, le programme de pénétration par le Touat, dont le maréchal Randon fut l’inspirateur, est enfin rempli après un demi-siècle d’attente, et l’honneur en revient surtout aux méharistes des compagnies sahariennes.

Il ne nous paraît pas hors de propos de signaler, à côté des officiers et voyageurs dont nous venons de résumer les travaux, un autre Français qui exerce son ministère au cœur même du Sahara. Moine, n’appartenant à aucune congrégation, ce prêtre, qui se contente de prêcher d’exemple, a acquis, grâce à la dignité de sa vie, la trempe de son caractère et son inlassable charité, la plus heureuse influence sur les Touaregs.

Dans sa jeunesse, il porta l’épaulette et peu après, seul, sans l’aide de personne, sous le travestissement du juif méprisé mais utile, il accomplissait au Maroc un voyage qui le classa parmi nos grands explorateurs. « Prenant bravement ce rôle, il a fait

  1. Le Sahara, Paris, Hachette, 1893.