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abnégation absolue de son bien-être, et c’est sans serviteur, sans monture, sans tente, sans lit, presque sans bagages qu’il a travaillé pendant onze mois chez des peuples qui, ayant plus d’une fois démasqué l’acteur, l’ont, à deux ou trois reprises, placé en face du châtiment qu’il méritait, c’est-à-dire de la mort[1]. » Cette phrase de Duveyrier est extraite de son rapport sur la médaille d’or que la Société de géographie accorda le 24 avril 1885, au vicomte Charles de Foucauld.

Tel est, en effet, le nom du solitaire qui, dans son ermitage de Tamanrasset, se reconnaît encore à ces traits, notés par notre grand Africain dans cet autre passage de son rapport : « C’est vraiment une ère nouvelle qui s’ouvre, grâce à M. de Foucauld, dans la connaissance géographique du Maroc, et on ne sait ce qu’il faut le plus admirer, ou de ces résultats, si beaux et si utiles, ou du dévouement, du courage et de l’abnégation ascétique, grâce auxquels ce jeune officier français les a obtenus[2]. »

S’il a fait ses adieux au monde, le Père de Foucauld n’a renoncé ni à la géographie, ni à son pays. Tout Français qui passe à sa portée est sûr de recevoir l’hospitalité la plus cordiale et l’appui le plus efficace. Qu’il s’agisse de la langue tamachèque, qui n’a plus de secret pour lui, de ce Sahara qu’il parcourt souvent à pied en observateur avisé, des Touaregs qui le regardent comme un grand marabout chrétien, ou encore des progrès de l’exploration soigneusement portés sur ses cartes, jamais sa documentation n’est prise en défaut. On fait mieux que glaner en sa compagnie ; on revient les mains pleines, respectant autant que possible son désir de vivre dans l’oubli.

Malgré l’extrême modestie du Père de Foucauld, les services qu’il rend depuis six ans à la pénétration Saharienne ne sont plus ignorés de tous. Son nom se retrouve dans quelques récits de voyage. Ici même, il y a trois mois, dans un article très documenté[3], M. René Pinon rappelait son influence et le respect dont les Touaregs l’environnent. On nous excusera donc d’avoir levé un coin du voile et consacré quelques lignes à ce silencieux, qui sert avec tant de cœur et d’intelligence la cause de la France avec celle de la civilisation.

  1. Bulletin de la Société de Géographie, série 6, t. VI, 1885, p. 139.
  2. Ibid., p. 321.
  3. Voyez la Revue du 15 décembre 1907.