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Ce que l’Algérie a fini par accomplir, l’Afrique occidentale française l’entreprend. Déjà en face des Sahariens du Nord se présentent les Sahariens du Sud.

A l’époque où les ksours du Gourara fermaient leurs portes au commandant Colonieu et au lieutenant Burin (1860-62), Faidherbe, réalisant les projets de l’amiral Bouët-Willaumez, donnait l’essor à notre colonie du Sénégal, envoyait des reconnaissances au Nord du fleuve chez les Maures et préparait notre expansion sur le Niger.

Les routes du Soudan, devenues plus sûres, attirèrent vers la côte atlantique un courant commercial dont les caravanes du désert ressentirent le contre-coup. Les Touaregs ne se méprirent pas sur les effets de cette concurrence, et Duveyrier, qui reçut leurs confidences, nous fit part de leurs appréhensions[1].

Le lieutenant de vaisseau Mage et le docteur Quintin s’avancèrent alors jusqu’à Ségou-Sikoro sur le Niger, où, de 1864 à 1866, Ahmadou leur fit subir une demi-captivité.

Quatorze ans se passèrent et les opérations militaires, toujours doublées d’exploration, recommencèrent avec des moyens plus puissans. Le général Brière de l’Isle avait repris le plan de Faidherbe, d’où sortit l’Afrique occidentale française, œuvre réconfortante pour ceux qui avaient éprouvé l’humiliation de la défaite et l’horreur de l’invasion. Sans comparer à la joie d’un retour de fortune en Europe l’impression qu’alors nous ressentions, nous respirions plus à l’aise en suivant les progrès de nos armes dans ces contrées tropicales que la vaillance de nos soldats plaçait sous notre autorité.

Avec un peu de recul, on apprécie mieux cette époque héroïque, marquée dans les régions voisines du Sahara par des campagnes telles que celles de Borgnis-Desbordes ou d’Archinard. Nos officiers rivalisèrent d’audace à la poursuite d’Ahmadou et de Samory. Quoi de plus crâne que l’attitude de Péroz tenant tête à celui-ci, le 25 mars 1887, et lui imposant le traité de protectorat de Bissandougou ; et quoi de plus brillant que la capture de ce chef de bandes et la prise de son camp à Guélémou par la poignée de Sénégalais qu’entraînait Gouraud, le 29 septembre 1898 ! Combien parmi ces braves devinrent d’incomparables pionniers ! S’il est impossible de les citer tous, comment

  1. Duveyrier, les Touaregs du Nord, p. 360 et Un siècle d’expansion coloniale, par Marcel Dubois et A. Terrier, p. 282 et suiv.