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les lettres qui forment la seconde partie du volume, et où Edward Stanley nous raconte ses visites, le 18 juin 1816 et les jours suivans, au champ de bataille de Waterloo. Le voyageur, cette fois, avait emmené avec lui un jeune officier anglais, qui avait pris part au combat du 18 juin 1815 : ce qui ne l’a pas empêché, selon son habitude, d’interroger minutieusement tous les aubergistes, fermiers, bergers, ou autres « témoins » locaux, qu’il a pu rencontrer à Waterloo même ou dans les environs, de manière à se représenter, avec le plus d’exactitude possible, tout le drame des dernières résistances et de l’écrasement définitif de « Buonaparte. » Après quoi il s’est dirigé, à petites étapes, vers Paris, toujours assidu à chercher, sur son chemin, les traces sanglantes que le terrible dompteur, désormais blessé à mort, avait pu y laisser ; et chacune de ses lettres de Paris, ensuite, abonde en traits d’observation et menues anecdotes dont l’ensemble nous offre un tableau singulier, et vraiment assez désolant, du sans-gêne avec lequel les vainqueurs de Napoléon étalaient alors, parmi nous, l’insolent orgueil de leur victoire. « La chose est du plus haut comique : Paris ne se reconnaît plus. Où sont les Français ? Nulle part. Tout est anglais. Des carrosses anglais remplissent les rues, et l’on ne voit pas un seul équipage de luxe qui ne soit anglais. Dans les loges des théâtres, dans les hôtels, les restaurans, — en un mot, partout, — John Bull s’est installé et a pris possession… Tout au plus si, aux alentours des Tuileries, et çà et là par la ville, quelques petits vieux bien poudrés, des bons Papas du temps passé, apparaissent, errant de leur pas incertain, secs et ridés comme des momies, avec leurs rubans et leurs croix de Saint-Louis. » Les soldats anglais de l’armée de Wellington, pendant leur séjour à Paris, s’étaient composé une chanson qu’ils vociféraient en se promenant sur les boulevards :


Louis Dixhuite, Louis Dixhuite,
We have ticked all your armies and sunk all your fleet !


ce qui signifiait : « Louis XVIII, nous avons avalé toutes tes armées, et coulé toute ta flotte ! » Et Stanley ajoute que « les badauds parisiens, en entendant le Louis Dixhuite, prenaient la chanson pour une ode en l’honneur des Bourbons, et y répondaient par un affectueux sourire approbateur. »

Mais plus intéressante encore que tout cela est une lettre du 1er février 1815, où un ami des Stanley, le célèbre lord Sheffield, leur communique le récit d’un long entretien que l’un de ses neveux vient d’avoir, à l’île d’Elbe, avec Napoléon.