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entre au profond de ses abîmes. Infiniment féconde et infiniment bonne, infiniment complaisante aux instincts qu’elle a mis en nous, c’est Nature, qui, de son ample sein, comme d’une source intarissable, verse à flots pressés, dans toutes les créatures, et y renouvelle incessamment le désir et la joie, l’orgueil et la volupté de vivre. Nature est tout en nous, et nous ne sommes rien qu’en elle. Tout vient d’elle, et tout y retourne. C’est pourquoi, jusque dans ses manifestations qu’on croirait les plus ordinaires, ou dans ses opérations les plus basses, il y a quelque chose de divin…


Ce n’est pas là de la critique de miniaturiste, comme l’est si souvent celle de Sainte-Beuve ; c’est de la critique à fresque, si je l’ose dire. Et l’on peut compter ceux qui, s’en étant sentis capables, n’y ont point complètement échoué.

L’attention que Ferdinand Brunetière accorde aux œuvres particulières ne le détourne point d’ailleurs des grandes généralités sans lesquelles l’histoire ne serait qu’une collection un peu incohérente et comme une poussière d’études « monographiques. » Ni l’évolution des genres, ni le mouvement des idées ne sont négligés par lui ; et son art, nous le répétons, consiste à n’avoir sacrifié aucun de ces élémens aux autres. L’évolution des genres littéraires aurait assurément été traitée avec plus d’ampleur dans la suite de cette Histoire : comme il est naturel, elle ne fait guère que s’amorcer dans les parties achevées, les « genres » ayant, à proprement parler, été constitués par les efforts de la Pléiade. Mais l’histoire des idées, elle, elle est à toutes les pages de ces premiers livres ; elle se mêle, elle s’entrelace à toutes les autres histoires ; l’étude des œuvres particulières elle-même y aboutit. Et ce n’est que justice. De nos quatre siècles littéraires, le XVIe siècle est peut-être, — avec le XIXe, — celui qui a eu la vie intellectuelle la plus intense. Idées littéraires, idées philosophiques et morales, idées religieuses, il a tout renouvelé, tout remis à l’étude. Et toute histoire, même littéraire, qui ne rendrait pas cette physionomie essentielle du siècle mentirait aux promesses mêmes de son titre.

Mais le XVIe siècle a jeté dans l’histoire un si grand nombre d’idées de toute sorte, qu’il est assez malaisé de les dénombrer toutes, et de les suivre dans leurs diverses vicissitudes. C’est pourtant ce que Brunetière s’est efforcé de faire, et avec un plein succès. Dans trois chapitres d’introduction, il s’est proposé de définir avec toute la précision possible le mouvement général de la Renaissance, de reconnaître au passage toutes les