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le Zend fut le dernier de ces souverains du Sud ; — sous les Kadjars, une grande famille poussa dans Chiraz. — En 1792, Hâdji Ibrâhîm Khân, ministre du dernier Zend, livra la ville à Agha Mohammed Schâh ; il était, dit-on, d’origine juive. Il devint grand vizir, le resta six ans et périt assassiné par les soins de Feth-’Alî-Schâh. Cet accident n’arrêta point la grandeur de la famille ; une fille du défunt épousa le nouveau grand vizir ; et celui-ci s’empressa de rétablir la situation de son beau-frère, en lui faisant donner le titre de Kawâm-ol-Molk (la stabilité du royaume), — devenu pour ses descendans une sorte d’appellation patronymique. Le grand Kawâm, premier du nom, fut chef gardien du tombeau de l’Imam Rézâ à Méchhed ; son fils Saheb Diwân, gendre de Feth-’Alî-Schâh, eut le gouvernement du Fars ; son petit-fils, Mirza-Ali-Mohammed-Khân hérita du titre et fut Kalantar de Chiraz. Il est le père du Kawâm actuel, Mîrzâ Mohammed-Rézâ-Khân. En dehors de la dynastie régnante en Perse, un pouvoir non religieux, ainsi prolongé pendant plus d’un siècle, apparaît comme un phénomène unique. Il va sans dire que la province entière appartient à ces potentats : les biens de la famille s’étendent du Belouchistan à l’Arabistan ; ils remontent, vers le Nord, jusqu’à Yezd et Ispahan, embrassent le Laristan et atteignent Bender-Abbas ; ils comprennent même l’île de Ghis, dans le golfe Persique. À l’exception des Kachkaïs, tous les nomades du Fars se rattachent au Kawâm. Les principaux de la famille, issus du grand Kawâm, groupent, dans un quartier spécial, le Mahallet-è-Kawâm, leurs maisons ornées de cristal taillé et ouvertes sur la verdure des cours. La plupart des mosquées portent leurs noms ; leur caveau funéraire s’élève auprès du tombeau de Hâfiz ; bains, bazars et caravansérails leur appartiennent en propre ; de même, les merveilleux jardins de la plaine, aux pavillons rafraîchis par les eaux courantes, aux massifs d’orangers et de grenadiers, aux parterres de roses, de verveines, de pétunias et de giroflées. Ces gens détiennent les plus hautes fonctions de la ville et de la province. Le chef de la famille, le Kawâm actuel assiste, comme pichkar, le prince gouverneur. De ses deux fils, Salar-os-Soltan est Kalantar de la ville, Nasir-ed-dowleh ilkhânî des tribus ; son cousin Ezol-Molk (le respect du royaume) s’éternise dans la charge de Kargouzar. La plupart des notables de Chiraz lui sont apparentés ; de même, le Cheikh oul-Islâm et l’Imam-Djoum’é, —