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elle eut pour contre-coup l’enlèvement du Pape dans la matinée du 5 juillet. Le conflit politique fut vite transporté sur le terrain religieux. La bulle d’excommunication parvint à Paris malgré le zèle de la police. Eugène de Montmorency en apporta « le texte dissimulé dans une de ses bottes. »

Le mariage autrichien provoqua une scission dans le Sacré Collège. Treize cardinaux refusèrent d’assister à la cérémonie religieuse. L’Empereur considéra leur abstention comme un outrage fait à sa personne : il retira aux abstentionnistes leurs insignes cardinalices, supprima leurs pensions, fit saisir leurs biens, et exila les treize prélats « dans de petites sous-préfectures de l’est de la France. » L’abandon de la pourpre leur valut le surnom de cardinaux noirs.

L’abbé Emery, qui dirigeait avec une si grande dignité le séminaire de Saint-Sulpice, encourut aussi la disgrâce impériale. Napoléon résolut de rapprocher le séminaire de la cathédrale : le 30 avril 1810, le préfet de la Seine fit l’acquisition des bâtimens de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, près de la place Maubert ; mais par suite de réparations indispensables, on transféra d’abord le séminaire rue du Pot-de-Fer. Emery, contraint de donner sa démission, reçut, à titre de propriétaire des locaux de Saint-Sulpice, une indemnité de 120 000 francs. Il abandonna la charge de supérieur à l’abbé Duclaux et se retira à la maison d’Issy, le 18 juin 1810.


III

Une circulaire ministérielle du 3 août 1810 prescrivait aux évêques d’administrer leurs diocèses « en qualité de vicaires capitulaires. » Le cardinal Fesch refusa d’y obéir : il ne voulait d’ailleurs « faire à Paris aucun acte qui pût impliquer une démission de l’archevêché de Lyon. » L’Empereur désigna alors un autre archevêque de Paris. La nomination de Maury fut publiée le 14 octobre 1810, à la surprise générale. Le cardinal Jean-Siffrein Maury était un personnage connu d’ancienne date. Ses origines étaient fort modestes. Fils d’un cultivateur du Comtat-Venaissin, l’abbé Maury, ayant terminé ses études à Avignon, débarquait à Paris en 1766 à l’âge de vingt ans, avec l’intention de se vouer à la prédication. En 1772, il prononçait devant l’Académie française le panégyrique de saint Louis et