Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/888

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais, hélas ! ces deux mains que j’ai cent fois baisées,
Ces cheveux blonds, ces yeux adorés, ce sein nu,
Je les quitte pourtant, et sans avoir connu
La puissante langueur des amours épuisées…

Je les quitte ce soir, de crainte que demain,
Plus épris qu’aujourd’hui, plus lâche ou plus humain,
Dans vos bras dangereux captif je ne demeure.

Pour la dernière fois, vous m’avez fait accueil,
Et, sans me retourner, je passe votre seuil,
De crainte que l’adieu sur mes lèvres ne meure !


CŒURS…


Cœurs, premiers berceaux du rêve,
Tombes de tous les amours,
Cœurs blessés, tristes et lourds,
Cœurs qu’un idéal relève ;

Cœurs légers, cœurs violens,
Chimériques ou fantasques,
Cœurs battus par les bourrasques,
Cœurs farouches ou tremblans ;

Cœurs d’ombre, cœurs de mystère,
Cœurs fermes, cœurs tourmentés,
Innombrables unités
Dont la lutte est solitaire ;

Cœurs que l’on ne comprend pas,
Cœurs où nul cœur n’a su lire,
Cœurs vibrans comme une lyre,
Cœurs dédaignés et cœurs las ;

Cœurs de pardon, cœurs de haine,
Dans les poitrines sans bruit,
Sans relâche, jour et nuit,
Vous rythmez la vie humaine !