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difficiles à maintenir. Le 28 février, Freydorf, ministre des Affaires étrangères du grand-duché, envoya à son ministre à Berlin une note dans laquelle il le chargeait de représenter à Bismarck combien cette attaque contre le gouvernement badois avait été inattendue. « On n’avait eu aucune occasion, à Bade, d’agir sur la proposition Lasker, ou même de la déconseiller en temps opportun. Aucune proposition n’avait été faite par Bade. Le gouvernement grand-ducal avait tenu compte des appréciations du chancelier de la Confédération, alors même qu’il ne les partageait pas, puisqu’il s’était abstenu, depuis des années, de toute démarche pour entrer dans la Confédération du Nord. » Comme les explications que Bismarck s’empressa de donner ne parurent pas satisfaisantes, et que l’on se plaignait encore des termes blessans de son discours, il répondit : « Mais pourquoi attachez-vous tant d’importance aux paroles que je prononce à la tribune ? Moi je n’y en attache aucune[1]. » Il disait plus lestement encore au ministre de Wurtemberg[2] : « Rappelez-vous qu’il ne faut pas prendre mon langage dans le Reichstag comme parole d’Evangile. Regardez comme sincères les déclarations que je vous fais à vous ici, où personne ne nous entend ; mais là-bas, à la tribune, il n’en est pas de même ; il me faut varier plus ou moins, suivant les exigences parlementaires. »

Cependant Bismarck ne voulut pas qu’on considérât un atermoiement comme une renonciation et qu’on le crût tout à coup converti au respect de la ligne du Mein. Personne en ce moment ne s’occupait des Danois du Sleswig, et cependant, afin de mieux accentuer son mépris du traité de Prague, Bismarck fit annoncer à grand fracas, dans l’officieuse Gazette de l’Allemagne du Nord, « qu’il n’accorderait plus rien aux Danois puisque leurs doléances s’appuyaient sur l’intolérable clause du traité imposée par la France. » Il chargea Busch de montrer dans la presse ses dents de fauve, afin qu’on ne le supposât pas devenu un tendre agneau : « Dites qu’il y avait dans mon discours un avertissement que les bonnes gens n’ont pas vu : c’est qu’en de certains cas, nous ne tiendrons pas compte du désir de l’Autriche, que les États du Sud ne soient pas joints à la Confédération du Nord, ni de celui de la France, qui étend sa

  1. Tous ces détails sur cet incident de Bade ont été révélés pour la première fois par Ottokar Lorenz.
  2. Dépêche de Saint-Vallier, du 25 avril 1870.