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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/519

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couverture sur les genoux ; sur la tablette de son bureau se trouvaient des éprouvettes graduées contenant des urines. Au premier aspect, Sée dit : « Voilà des urines contenant du pus. «  Il y en avait un cinquième. L’Empereur lui raconta alors qu’il avait des douleurs intolérables qui l’empêchaient de marcher, d’aller en voiture, de monter à cheval ; il pouvait à peine se traîner au soleil sur la terrasse de Saint-Cloud, et il avait toujours froid. Il urinait du sang, était quelquefois obligé d’avoir recours à des sondes molles. Il attribuait tout cela à la goutte. Sée l’ausculta très attentivement. Quand il en vint au cœur, il dit en riant : « Le cœur est bon. » Il trouva tous les organes en excellent état, sauf la vessie qui était dans des conditions déplorables. Il formula dans une consultation très étudiée et très claire les résultats de son examen. Il ne l’avait pas encore remise à Conneau lorsque les médecins ordinaires de l’Empereur provoquèrent une consultation.

On eût voulu en exclure Sée, dépourvu alors d’autorité ; l’Impératrice insista et il fut admis. La consultation donc eut lieu le 1er juillet entre Nélaton, Corvisart, Ricord, Fauvel et Sée aux Tuileries, dans l’appartement de Conneau, à sept heures du matin. Sée exposa verbalement le diagnostic de la consultation personnelle qu’il avait préparée : tous les symptômes constatés démontraient l’existence d’une pyélocystite calculeuse, et il fallait s’en assurer par un sondage. « Si l’Empereur était un malade ordinaire, dans un hôpital sous le no 14, il y a longtemps que vous l’auriez sondé. » Ricord fut de cet avis, que Fauvel et Corvisart contestèrent en attribuant le mal, l’un à un catarrhe de la vessie, l’autre à un abcès de la prostate. Nélaton, qui était le premier chirurgien de son temps, était bien convaincu, indépendamment même de tout sondage, que l’Empereur avait la pierre ; mais plus expérimenté que le jeune médecin, il craignait, étant donné l’existence d’une pyélocystite calculeuse, qu’une opération par la lithotritie ne fût mortelle et qu’il ne fallût recourir à la taille, dont le succès était aussi improbable. En attendant, l’emploi d’une sonde dure d’exploration lui paraissait de nature à augmenter d’une façon démesurée l’inflammation actuellement existante jusqu’au point de la rendre périlleuse, surtout à une époque où l’antisepsie n’était pas pratiquée. Il ne crut pas qu’il fût possible de sonder un patient, s’appelât-il le no 14, dont les urines contenaient un cinquième de pus et