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Paris est d’une pauvreté insigne, de sorte que les jeunes docteurs, ayant passé une série nombreuse d’examens déplorablement faciles, sont aussi étrangers aux choses de la science qu’aux choses de la clinique. »

Il ne sera pas difficile de montrer que ces deux reproches sont injustes. Et d’abord, je répondrai au premier, parce qu’il est plus souvent présenté que l’autre.

Commet-on une grave erreur à la Faculté de médecine, quand on y enseigne, en même temps que la clinique, les sciences médicales ? Je ne le crois pas. Je crois, au contraire, et très fermement, que, si, par malheur, on voulait bannir de nos Facultés médicales tout caractère scientifique, on commettrait la plus redoutable des erreurs. La Faculté de médecine n’a pas la mission exclusive de faire des praticiens. C’est là une partie essentielle de son œuvre ; mais ce n’est pas toute son œuvre. Il y a à faire avancer la science médicale ; car il reste encore, en médecine, des découvertes à faire, et beaucoup. La science médicale, plus peut-être que toutes les autres, est dans un état de perpétuel devenir. La plupart des questions y sont posées, non résolues. Or, si ingénieuse que soit la clinique, elle est à peu près impuissante quand elle ne s’appuie pas sur les sciences physico-chimiques et sur la physiologie comparée. Le clinicien ne peut guère espérer, par la clinique seule, conquérir des vérités nouvelles de portée profonde. Il enseigne ce que l’observation lui a appris ; mais l’observation est mille fois moins féconde que l’expérimentation. Il faut toujours avoir présent à l’esprit ce grand fait dominateur que la colossale révolution scientifique qui a transformé la médecine, c’est la bactériologie. Or la bactériologie, c’est l’œuvre d’un chimiste. Pasteur, qui n’était pus même médecin, comme un malheureux a osé le lui dire un jour. Et pourtant, ce chimiste a fait, à lui tout seul, ce que quarante générations de cliniciens n’avaient pas pu faire. L’œuvre de Pasteur s’achève et se poursuit par les investigations des physiologistes expérimentateurs. La sérothérapie a été trouvée dans les laboratoires, et non par des cliniciens. L’antisepsie dérive directement des travaux de Pasteur, et Lister était expérimentateur, en même temps que chirurgien. On peut dire que toute la médecine moderne est l’œuvre des savans ; car les cliniciens qui ont fait faire des progrès à la médecine se sont montrés alors des savans, et ont procédé par des méthodes scientifiques, expérimentales, autres que les méthodes