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cliniques, comme notre grand Villemin, ce médecin qui a démontré expérimentalement la contagion de la tuberculose, alors que, pendant trois siècles, en dépit de toute leur habileté clinique, les plus fameux médecins n’avaient pas su la déceler, et y croire. Donc, quand on dénie aux Facultés de médecine le droit de faire des recherches scientifiques, et d’initier les jeunes gens aux travaux de laboratoire, on fait un grand pas en arrière. On revient aux temps de Broussais et de Dupuytren, et plus loin même.

Toutes les Écoles médicales de l’étranger font un vigoureux effort pour donner aux choses de la médecine la précision des choses de la science. Le jour où il a pu être prouvé que la maladie n’est pas une puissance imaginaire et vague, un démon frappant au hasard de sa fantaisie, mais bien, presque toujours, un être vivant, parasite, qui s’introduit dans l’organisme humain pour vivre à ses dépens, ce jour-là la médecine est devenue une science. Quoi ! on voudrait qu’en France, dans la plus vieille Université du monde, à la Faculté de médecine de Paris, la science fût désertée ; et qu’on se contentât d’enseigner aux jeunes gens les signes des fractures du radius, les indications du forceps, et le diagnostic de la rougeole ! La Faculté de médecine de Paris doit enseigner la clinique. Cela est évident. Mais la clinique moderne a besoin d’être appuyée, fortifiée par l’expérimentation. À côté des cliniques, il doit y avoir toute une vaste école de pathologie expérimentale : car où l’enseignerait-on, sinon à la Faculté de médecine ? Or pathologie expérimentale, cela signifie : chimie, anatomie, physique et physiologie. Expérimenter sur les microbes sans bien connaître la chimie et la physiologie, c’est comme si l’on voulait étudier l’électricité sans connaître les mathématiques.

On croit rêver lorsque l’on entend des hommes sérieux, comme certains orateurs du congrès des praticiens, prétendre que les laboratoires nuisent à la médecine, et que l’enseignement scientifique de la Faculté fait tort à son enseignement clinique. C’est le contraire qui est vrai. Les grands cliniciens d’aujourd’hui savent parfaitement tout ce qu’ils doivent à l’expérimentation : pas un seul n’oserait dire que Magendie et Claude Bernard, Pasteur et Marey, Chauveau et Villemin n’ont pas, par leurs géniales découvertes, perfectionné le traitement et le diagnostic des maladies.