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trois jours après son établissement sur les rives de la rivière de Genji, que l’oncle de Desing, Terani Sing, qui régnait au vieux Genji, apprit l’arrivée de l’ennemi. Quant à Desing, tout occupé de ses dévotions, il ne sait rien des choses d’ici-bas. La pagode oh il prie est le seul monde qu’il connaisse. Lorsque Terani Sing vient le déranger dans son tête-à-tête avec Vichnou Ranganaden, le rajah se contente de lui dire : « Mon oncle, du haut de votre terrasse vous avez vu de vos yeux l’armée du musulman campée à quelques portées de trait. Vous avez couru jusqu’à ma place de Genji et vous m’avez reproché d’adorer Ranganaden tandis que les forces du Nawab occupent les rives du Sangarabarani ! Et je vous réponds : Mon oncle, nous devons depuis douze ans le tribut au Nawab. Ne craignez rien. Patientez un quart d’heure, mais n’interrompez pas mes prières. Envoyez quelques messagers vers l’armée du Nawab, et qu’ils s’informent. »

Ainsi Desing Radjah connaît les causes de l’invasion, et il ne daigne pas s’expliquer. Son oncle, sans se permettre une observation, expédie deux émissaires à Toundamallavinan pour le p rier de se rendre auprès de Desing. Aussitôt l’officier monte sur son éléphant et s’en va rendre visite à Desing. Le rajah a terminé ses oraisons. Il revêt son costume officiel et donne audience au lieutenant du Nawab. C’est une audience solennelle à laquelle assistent tous les Paléagars qu’on a mandés pour la circonstance.

Toundamallavinan se prosterne aux pieds de Desing, qui lui rend son salut. Mais après ce sacrifice à l’étiquette, la colère de Desing éclate. Par des paroles dures, il interpelle le musulman : « Depuis vingt-deux ans que je vis, jamais je n’ai vu les troupes du Nawab sur mes terres ! Et vous, avec quelle audace avez-vous battu le tam-tam sur mon bien !... C’est pour perdre la vie que vous êtes venu ici !... »

A entendre ce discours, Toundamallavinan, tremblant, se prosterne et dit respectueusement : « Maharadjah, je ne suis pas venu pour vous faire la guerre, mais pour vous demander l’argent du tribut que vous devez depuis douze ans. »

Vous vous tromperiez fort en pensant que Desing répondit qu’il avait été dispensé du tribut par la faveur impériale. Les déclarations raisonnables du lieutenant du Nawab ne réussirent qu’à le transporter de colère. Grinçant des dents, il frappe du poing la table, et profère des menaces de mort :