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tout prendre, moins bas que l’escroquerie prudente du courtier qui puise dans la poche des uns pour acheter la complicité des autres, sans manquer à ce premier principe de la sagesse qui consiste à se réserver une honnête commission.

Dupleix n’interrompit point ses marchandages. Par défausses nouvelles habilement répandues, il chercha à intimider les vainqueurs. Il prépara en sous-main la destruction de Nazzir-Sing, en pratiquant ses principaux officiers. Il gagna les chefs afghans, les rajahs mysoriens, ceux de Kuddapah, de Carnoul, de Savanore, jusqu’aux humbles Polygars du Carnate. Nazzir-Sing ne marcha plus qu’entouré de traîtres, attendant le moment propice pour frapper. Et la lutte continua, avec ses alternatives de petits revers et de médiocres victoires parmi lesquelles le combat de Tirouvadi, dont l’avantage resta à M. d’Auteuil sur Mohammed-Ali, lieutenant de Nazzir-Sing et compétiteur de Chunda-Sahib pour la nababie du Carnate, rendit à Dupleix son prestige qui s’en allait déclinant.

Prompt à saisir l’occasion, sentant le moral des troupes affermi par ce succès, le gouverneur de Pondichéry se résolut à tenter le coup de main sur Genji. Jamais les circonstances ne s’étaient montrées plus favorables. Les vaincus de Tirouvadi, musulmans de Mohammed-Ali, escadrons mahrattes, Anglais de Lawrence et de Cope s’étaient enfuis jusqu’à Arcot, puis retirés dans Genji qui en était la place d’armes. C’est là que le détachement commandé par le marquis de Bussy-Castelnau reconnut ces troupes, le 11 septembre 1750, adossées aux glacis. Suivant les ordres de Dupleix qui organisait la victoire du fond de son palais, à Pondichéry, M. d’Auteuil, après avoir battu Mohammed-Ali à Tirouvadi, le 1er septembre, avait envoyé, le 3 du même mois, ce détachement vers Genji.

Deux cent cinquante Français, douze cents cipayes, et quelques pièces d’artillerie composaient ce petit corps qui s’arrêta à trois milles de la ville. A savoir ses ennemis aussi peu nombreux, Mohammed-Ali n’hésita pas à se porter en avant. Laissant derrière lui les fortifications de Genji, il marcha avec ses 13 000 hommes qui se débandèrent à la première décharge de nos canons. Ils coururent plus vite quand ils apprirent qu’un gros renfort arrivait aux Français du côté de Tirouvadi. Rien n’était plus vrai : c’était M. d’Auteuil suivi de toutes ses troupes, et précédé par les dragons de Garanger et du Rouvray qui se mirent à sabrer