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et il en donnait pour motif que ces négociations, conduites avant lui par ses deux prédécesseurs, MM. Maruéjouls et Gauthier, étaient restées sans résultat. Sans doute il n’y avait pas eu de résultat, mais à qui la faute ? Était-ce aux compagnies, qui s’étaient toujours montrées disposées à continuer les pourparlers ? N’était-ce pas plutôt au gouvernement. qui, après les avoir interrompus, avait fini par les rompre tout à fait ? Au reste, tout cela appartenait au passé. Le Sénat écoutait d’une oreille distraite ces polémiques rétrospectives, et n’y attachait pas grande importance. La péroraison du discours de M. Prévet en avait beaucoup plus à ses yeux. M. Prévet avait dit, et certainement il ne l’avait pas fait à la légère, qu’il serait facile de reprendre les négociations et de les faire aboutir sur des bases qu’il avait indiquées en termes précis : c’était à peu de chose près celles qui avaient été posées dans les pourparlers antérieurs entre l’État et les compagnies. Dès lors, si M. le ministre des Travaux publics avait attaché un sens pratique aux paroles qu’il avait prononcées à la tribune, rien n’était plus simple que d’arriver à une solution satisfaisante pour tout le monde. Ce n’était là, toutefois, qu’une affirmation personnelle du rapporteur de la Commission : on pouvait se demander dans quelle mesure elle correspondait aux dispositions réelles des compagnies de chemin de fer.

La Compagnie d’Orléans à tenu à dissiper à cet égard tous les doutes, et le président de son Conseil d’administration a écrit une lettre à M. le ministre des Travaux publics pour confirmer, en ce qui le concernait, l’allégation de M. Prévet. Saisi d’un pareil document, M. le ministre des Travaux publics n’a pas hésité à en faire part au Sénat. Il en a donné lecture à la tribune, et, en l’écoutant, l’assemblée éprouvait à la fois un sentiment de soulagement et d’inquiétude, de soulagement si M. Barthou acceptait la suggestion qui lui était faite, d’inquiétude s’il la repoussait. La suggestion conciliait tous les intérêts en présence, à la condition toutefois que le ministère ne fit pas du rachat un dogme intangible et ne cherchât pas à l’imposer au Sénat d’autorité. Sur ce dernier point, il pouvait y avoir des doutes. L’assemblée, en effet, avait entendu, de la bouche des deux ministres les plus directement intéressés à la question du rachat, des opinions tout à fait différentes. M. le ministre des Travaux publics s’était efforcé d’amoindrir la question du rachat de l’Ouest. On aurait grand tort, à l’entendre, d’y voir un premier pas dans la voie qui conduirait au rachat de toutes les compagnies de chemin de fer. Crainte chimérique, disait M. Barthou. La Compagnie de l’Ouest était dans une situation