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élémens d’un joli livre, et je n’aurai plus qu’à l’écrire. Mais, chut ! en trouverai-je l’heure, et les dispositions ?

Le plus gros de ma besogne est d’annoter, séance tenante, et devant les tableaux, les catalogues. Je ne parle pas de ce que, le soir, je griffonne en dehors de ces observations de pure technique. Ce sont encore des scénarios de chapitre et rien de plus.

Je ne perds pas une minute. Je passerai probablement ici demain, dimanche, lundi et mardi, y compris ou sans compter une demi-journée donnée à Harlem. Puis je reviens tout droit à Gand et Bruges, de là Bruxelles et retour. Je n’aurai pas, je crois, dépassé le terme que je m’étais fixé, et je me serai vivement aiguisé l’œil et l’esprit. Je ne te parle pas du pays. Je le regarde en courant, et je saurai faire croire, s’il y a lieu, que je le connais bien, parce que de naissance et par nature j’ai ce qu’il faut pour goûter cela, et il y aura toujours assez de paysages dans mon sac pour encadrer le livre que je rêve.

Adieu, veille un peu sur Marie[1]. Quoique le temps s’abrège, j’ai peur que le cœur ne lui manque. A bientôt, vieux frère, je t’aime de cœur, tu le sais, et je fais tout pour que ton vieux ami satisfasse à peu près tes exigences.

A toi.

EUGÈNE.


A Madame Eugène Fromentin.

Même jour. — Après six heures de musée, je viens d’écrire à Armand. Je suis las, très las. Je te viens seulement pour t’embrasser, mais seulement pour cela... Je suis content, pas émerveillé, un peu déconcerté, mais je travaille et c’est l’essentiel... Je n’ai pas trop le temps de penser que je suis seul, quoique je le sois beaucoup. J’ai pour compagnie constante le désir de voir, de bien voir, de comprendre, de retenir et de préparer des matériaux. Si je restais coi après cela, je ne serais guère content...

Je croyais bien que ces études attachantes me saisiraient beaucoup, mais pas à ce point. Je te quitte pour prendre quelques notes urgentes...

  1. Mme Eugène Fromentin.