Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfin, à la nuit tombante, nous vîmes arriver nos bagages. Précipitamment nous dressâmes nos tentes, et nous étendîmes sur des lits de paille, affreusement trempés et tout couverts de boue. La nuit, les soldats désignés pour monter la garde autour du camp abandonnèrent leurs postes pour aller, de nouveau, piller les villages voisins.


Le 20 août, le duc de Brunswick, qui commandait l’armée d’invasion avec le roi de Prusse, s’approcha des remparts de la place de Longwy, en compagnie d’une petite escorte, et somma la garnison de se rendre sans combat. Le commandant de la place hésitait d’abord à lui obéir, connaissant la solidité des vieux murs de Vauban, et croyant pouvoir compter sur des secours prochains. Mais les bourgeois de Longwy, au premier coup de feu qu’ils entendirent, l’obligèrent à capituler, dans leur désir de conserver leurs maisons intactes : et ainsi le premier fait d’armes de Laukhard fut son entrée victorieuse dans cette petite cité lorraine. Cependant notre conteur-philosophe estime que la prise de Longwy et celle de Verdun « ont eu les conséquences les plus désastreuses pour l’armée allemande : car si les Français s’étaient montrés plus résistans, et avaient donné plus de travail à leurs adversaires, ceux-ci n’auraient point avancé sur le sol ennemi aussi loin qu’ils l’ont fait, ou bien, en tout cas, auraient pris plus de précautions pour assurer leur défense. »

A Longwy, du moins, Laukhard eut l’occasion de s’assurer lui-même contre les privations à venir. Le duc de Brunswick, en effet, « ayant trouvé les magasins de la place parfaitement approvisionnés, » fit distribuer à ses hommes de solides rations « de tabac, d’eau-de-vie, de lard, de viande salée, etc. » Mais les rations auraient été beaucoup plus abondantes si les officiers chargés de les répartir ne s’étaient pas avisés de garder pour eux toute sorte d’objets, ou de les revendre à des brocanteurs ; et Laukhard se plaint fort, en particulier, de n’avoir pas reçu une seule des nombreuses paires de bas que « l’excellent duc » avait ordonné de distribuer aux soldats.

Après un repos d’une dizaine de jours à Longwy, l’armée allemande vint assiéger Verdun, où les habitans, de même que ceux de Longwy, ne tardèrent pas à capituler, malgré l’héroïque opposition du commandant Beaurepaire. Là encore, les magasins étaient largement pourvus ; et Laukhard, instruit par son expérience de Longwy, où des scrupules de probité et de discipline l’avaient retenu de s’attribuer, soi-même, toute sa