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REVUE LITTÉRAIRE

LE RACINE DE M. JULES LEMAITRE[1]

Ce livre est la réunion des dix leçons qui, cet hiver, ont fait courir tout Paris à la Société des Conférences. Pourquoi M. Jules Lemaître avait-il choisi Racine plutôt qu’un autre sujet ? Il nous en donne ingénument la raison. « C’est, dit-il, qu’il m’a été le plus demandé. « Excellente nouvelle ! Réjouissons-nous, qu’à l’époque où nous sommes, Racine soit très demandé, et non pas par les candidats au baccalauréat, mais par les lettrés, et, comme on eût dit de son temps, par les honnêtes gens. J’y vois une preuve que la sûreté du goût ni le sens de la tradition ne se sont encore perdus et que nos vieux chefs-d’œuvre ont gardé aux yeux d’une élite toute leur jeunesse. Si d’ailleurs c’est à M. Jules Lemaître qu’on a demandé Racine, il n’est pas besoin de se mettre l’esprit à la torture pour en apercevoir les raisons. D’abord on se souvenait des feuilletons consacrés par lui à certaines pièces de Racine, du temps qu’il était, pour le régal de ses lecteurs, critique de théâtre : c’étaient des élémens qu’il suffisait de compléter, de relier et de fondre en une étude d’ensemble. On se souvenait aussi de ce discours, si simplement éloquent et d’une émotion si pénétrante, qu’il prononça naguère dans le vallon de Port-Royal. Et l’on songeait que Racine est parmi nos écrivains un de ceux dont il est le plus difficile de parler. Il y faut un homme nourri aux lettres antiques et qui retrouve en lui les émotions de l’âme chrétienne ; il n’est pas mauvais qu’il ait lui-même la pratique du théâtre, et que son expérience l’ait renseigné sur les questions de métier ; il

  1. Jean Racine, par M. Jules Lemaitre, 1 vol. in-18. Calmann-Lévy.