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avec les divisions de cavalerie, et il n’y a aucune raison pour qu’il n’en soit pas de même avec des groupemens plus considérables.

Toutefois, il ne faut pas se le dissimuler, le commandement de masses de cavalerie plus fortes que la division à six régimens est particulièrement difficile. Il est clair qu’on ne saurait songer à faire manœuvrer ces masses d’après un schéma tel que celui connu sous le nom de « dreitreffentaktik » (tactique des trois lignes) ou même d’après un schéma quelconque. Comment pourrait-il être appliqué en terrain mouvementé ou difficile ? Ce commandement doit être conçu comme celui qu’exerce le commandant de corps d’armée sur ses divisions, quand il donne à chacune d’elle une tâche définie en même temps qu’il les fait concourir à ses desseins. Les divisions de cavalerie pourront suivre différentes routes, soit déployées, soit en ordre serré, la seule condition de leurs mouvemens étant la réalisation du but stratégique. Le commandant de corps les y maintiendra. Mais si ce principe peut être accepté, son application ne devra comporter aucune rigidité. « La stratégie est fondée sur un système d’expédiens, » a dit de Moltke. L’à-propos doit rester le plus haut idéal de la cavalerie. Pour cette raison, les groupemens fixés au commencement de la campagne n’auront aucun caractère de fixité. Les divisions, les corps de cavalerie, doivent pouvoir être groupés, ou disloqués, suivant les circonstances. Ainsi le commandement supérieur des armées allemandes a-t-il opéré pendant la guerre de 1870-1871, suivant en cela l’exemple de Napoléon qui, à certains momens, groupait sa cavalerie en corps ou en divisions, quitte à les disloquer ensuite en brigades indépendantes ou même en régimens. Il les réunissait quelquefois à nouveau en masses formidables.

Les missions stratégiques sont-elles les seules qui incombent à la cavalerie ? De nos jours comme autrefois, elle trouvera son emploi sur le champ de bataille, et cela d’autant mieux qu’elle rencontrera des troupes peu solides. Dans tous les cas, on ne peut attendre de résultats qu’avec de formidables masses. La partie des forces de l’ennemi désorganisée par une charge heureuse doit être telle que, pour l’ensemble des troupes engagées, il en résulte un effet décisif. D’autres facteurs entrent aussi en considération : la grande portée des armes, par exemple. Si le front de la cavalerie assaillante est trop étroit, elle souffrira non