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l’avis de tous, un mal lorsqu’elle dépasse une certaine mesure ; d’autre part, l’accord ne peut pas s’établir sur ces cas, ni touchant la mesure dans laquelle l’inégalité accroît la somme du bonheur ; il ne reste donc d’autre ressource que d’adopter, comme un postulat nécessaire, « le principe de l’égalité, d’affirmer qu’en elle-même, la meilleure distribution des richesses est celle qui attribue à tous des parts égales. » Une règle étant nécessaire, « l’entente n’a chance de s’établir que sur celle-là. » Et cette entente s’établira sans doute, puisque « la répartition égale des biens assurerait, pour la consommation, la satisfaction des besoins nécessaires de tous[1]. » Il nous semble que M. Landry, dans ce postulat qu’il établit, s’écarte notablement du but élevé qu’il avait lui-même proposé à l’évolution sociale : moralité, science, art. On ne nous parle plus maintenant que de « bien-être » et de satisfaction des besoins ; on s’appuie sur ce que, sous le régime de l’égalité, tous auraient le manger, le boire et le couvert. « Que faut-il davantage ? » M. Landry, d’ailleurs, n’est pas au bout de ses difficultés et son premier postulat ne suffit pas à son esprit sincère. En effet, il se demande : Que faut-il entendre par l’égalité des parts ? Cette égalité signifie-t-elle « que tous seront également contens de leur sort ? » La chose est impossible. Sont-ce donc les autres qui seront les juges de la valeur de mon lot ? Pour définir l’égalité des parts consommables, pour échapper sur ce point encore à l’arbitraire, un second postulat est nécessaire. Celui que M. Landry choisit consiste à déclarer égales les parts dont les prix seront égaux. Ainsi donc, dans la cité socialiste, « tous auraient des parts égales ; les individus incapables de travailler, de produire, jouiraient du même traitement que les autres ; la plus-value laissée par le travail de certains serait distribuée entre tous. » Tel est le système communiste qui, à en croire M. Landry, serait le plus propre à satisfaire tout le monde, — même ceux qui produiraient un excédent par un travail plus opiniâtre ou plus intelligent et qui se verraient enlever cet excédent pour être distribué aux incapables et aux paresseux ! Jusqu’ici le communisme égalitaire nous a bien montré les difficultés à résoudre, mais il ne nous a pas fourni de solution.

Au reste, le communisme égalitaire n’est pas la forme

  1. M. Landry, l’Utilité sociale de la propriété individuelle.