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cette organisation permanente de l’évangélisation au-delà des mers, ce fut, sans doute, l’histoire orageuse de Marseille entre 1620 et 1660. Port florissant et ouvert, Marseille était menacée de tous les ennemis de la France, harcelée de tous les larrons de la mer. Trop souvent tonnait, pour donner l’alarme, le canon de la « tour du Grand Horloge ; » des caravelles barbaresques croisaient à l’horizon ; des galères armées de Gênes tournaient leurs proues vers le port, ou une flottille espagnole venait débarquer aux îles de Sainte-Marguerite et de Lérins. Puis, et aussi fréquemment, c’est la peste qui bouleverse la grande cité ; et le fléau est si terrible alors que, quand il éclate, on s’enfuit à pleines portes ; les trois quarts de la population se dispersent aux champs ou à la montagne, et y campent, attendant l’été où, disait-on, « les vendanges purifient l’air. »

Et quand, au XVIIe siècle, Marseille n’a ni la peste ni la guerre, elle a l’émeute. Son vieil « esprit républicain » ne la dispose pas à accepter pacifiquement la destruction systématique des libertés provinciales. De 1633 à 1653, c’est, à Marseille comme à Aix, une insurrection contre la Cour, une bataille intestine quasi perpétuelles. La Fronde marseillaise survit à la Fronde parisienne. En 1658 encore, barricades, siège de l’Hôtel de Ville : les agitateurs d’Aix, ces « Sabreurs » ainsi nommés « de l’épée turquesque ou polonaise, avec laquelle leur chef jurait toujours de se défaire de ses ennemis, » purent trouver à Marseille, grâce à ses franchises, un asile, et le fameux Gaspard de Niozelles y brave l’autorité royale jusqu’au moment où Louis XIV, entrant par la brèche, plante, entre le port et la cité, la citadelle Saint-Nicolas, « bastide » menaçante du roi de France.

Au milieu de cette anarchie et de ces paniques, il s’en fallait évidemment que la Compagnie du Saint Sacrement pût agir à son aise. Elle devait s’interdire les entreprises éloignées, parer au plus pressé, à la démoralisation et à la misère que les désordres et les calamités causaient dans la capitale de la Provence.

La misère l’attira d’abord, et son premier projet fut celui d’un « hôpital général, » d’ « une maison pour y enfermer et nourrir tous les pauvres, » projet que la Compagnie de Paris entretenait depuis 1632 et qu’elle ne put réaliser qu’en 1656. — Et ici, s’impose à nous, la constatation que les récentes recherches sur la Compagnie du Saint Sacrement ont eue tout de suite pour résultat : l’histoire doit désormais lui attribuer, — lui