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jarre… » Il terminait en invitant Lamartine à « mêler quelques « accens énergiques au murmure harmonieux des Lakistes » et à « rattacher quelques cordes humaines et passionnées à la harpe aérienne des prophètes. » Par bonheur, il n’avait pas cité « saint Augustin et Sainte-Beuve, » et laissait à Lamartine l’initiative de préférer les Consolations aux Harmonies.


HISTOIRE D’UNE DÉMISSION

Un poste diplomatique à sa convenance, du loisir pour une œuvre de longue haleine, voilà quelle était, en ce milieu de juillet 1830, l’ambition de Lamartine. Quelques jours à peine vont se passer et tout sera changé dans sa destinée, comme dans celle du pays. On vient de le voir, Lamartine jugeait une crise inévitable ; mais il croyait que, pour un temps, le pouvoir triompherait. La Révolution le surprit, du moins par sa rapidité. Toutefois, il n’eut pas sur la conduite à tenir un instant d’hésitation.

Ce qu’il redoutait par-dessus tout, c’était l’anarchie. Il en ressentait l’épouvante avec d’autant plus de précision qu’il venait d’en avoir sous les yeux, non pas le spectre et le vain fantôme, mais la réalité. A l’annonce des « journées » de Paris, il s’était produit, sur quelques points de la province, un de ces phénomènes d’« anarchie spontanée » si exactement analysés et définis par Taine. Des bandes armées avaient parcouru les environs de Saint-Point et menacé le château de pillage. « Nous apprenons, disait la Quotidienne dans son numéro du 16 septembre, que M. de Lamartine, qui se trouve en ce moment dans le département de Saône-et-Loire, a couru quelques dangers, grâce au bruit généralement répandu dans le pays que sa tête était mise à prix. » Lamartine démentit, en partie, l’information, afin de « disculper le pays ; » mais les faits étaient réels : il avait assisté à un essai de Terreur populaire et paysanne. Or la République ne lui fait pas l’effet d’être un très sûr boulevard contre l’anarchie. Ceux-là seuls, en dehors des purs révolutionnaires, peuvent en être partisans, qui professent l’absurde théorie du bien sortant de l’excès du mal et attendent d’un désastre public le retour à l’ancien ordre de choses. C’est la querelle de Lamartine avec le « carliste » Virieu. « Si nous sommes en République trois mois, je te le dis avec la confiance d’un