son baptême, ses premiers pas, ses premiers mots, la fête populaire, suivant les rites anciens[1], de ses vingt et un ans. Avec ceux qui sont aujourd’hui ses fermiers, et dont les pères étaient les fermiers de son père, il a lancé ses premières balles de cricket, échangé ses premiers coups de poing. Plus tard, au temps des vacances, quand il revenait de l’école ou de l’université, il aimait à retrouver avec les arbres, avec la rivière et tout le paysage accoutumé, leurs figures familières. Mêmes sentimens pendant toute sa vie, qu’il soit fonctionnaire aux colonies, marin ou militaire, quand un congé le ramène à la petite patrie où vivent ses profonds souvenirs d’enfance.
Mais il réside. Personnage principal, protecteur et représentant né du monde villageois qui se groupe autour de lui et reconnaît son autorité morale, il préside et contribue de sa bourse à toutes les œuvres locales de bienfaisance et d’utilité publique[2]. Magistrat, justice of the peace, il juge, administre, accorde ou refuse le droit de vendre du gin et de la bière. Patron héréditaire d’un bénéfice ecclésiastique, c’est lui qui nomme le recteur de la paroisse ; propriétaire des cottages qu’habitent les « labourers, » c’est son affaire que les plus humbles soient décemment logés. Sa femme ou sa fille visitent les malades, enseignent la Bible aux enfans de l’école. Une partie de son parc est ouverte aux jeux du populaire. Le soir de Noël, ses fermiers viennent danser sous le gui de son hall, et lui-même, pour ouvrir le bal, prend le bras de la doyenne des fermières[3]. Mais voyez-le surtout le dimanche, à son banc d’honneur, avec le petit peuple rural derrière lui, chacun à sa place, à son rang, — mieux encore, quand il se lève pour aller dans le chœur faire face à
- ↑ Voyez dans Adam Bede de George Eliot ce qu’était cette fête du village au XVIIIe siècle. Les traditions n’en sont point changées. Il y a deux ans, à Hawarden, le village voisin du manoir de M. Gladstone, à propos de la majorité du jeune héritier, elles furent scrupuleusement observées.
- ↑
- « No little handed Baronet he,
- A great broad-shouldered génial Englishman,
- A lord of fat prize oxen and of sheep,
- A raiser of huge melons and of pine,
- A patron of some thirty charities,
- A pamphleteer on guano and on grain,
- A quarter-sessions chairman, abler none ;
- Fair haired and redder than a windy morn. »
- (Tennyson, The Princess.)
- ↑ C’est ce que, jusqu’à la fin de sa vie, à chaque Noël, M. Gladstone faisait à Hawarden.