Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin à une pacification de la Macédoine en y développant les réformes et le contrôle européen, en créant notamment une inspection du service judiciaire et en organisant, sous la haute direction des officiers européens, une force mobile pour la poursuite des bandes. L’Angleterre et la Russie arrivaient chacune avec son projet, et elles paraissaient plus préoccupées de l’approbation des puissances européennes que du consentement du Sultan ; de plus en plus, il paraissait aux Jeunes Turcs que la souveraineté du Sultan n’était plus qu’une façade derrière laquelle se cachait le gouvernement des étrangers. Le discours du baron d’Æhrenthal, le 27 janvier dernier, eut, dans les milieux patriotes et nationalistes turcs, et particulièrement parmi les officiers, le plus fâcheux retentissement ; il réveilla le souvenir du démembrement de 1878, de l’occupation de la Bosnie et de l’Herzégovine par les Autrichiens et des droits que leur donne le traité de Berlin sur l’ancien sandjak de Novi-Bazar ; la convention relative au chemin de fer de Serajevo à Mitrovitza apparut comme une mainmise de l’Autriche sur une nouvelle province turque, comme un nouveau pas en avant des étrangers dans la direction de Salonique. Ce n’est donc point par hasard que le mouvement révolutionnaire dans l’armée a commencé en Macédoine ; ce fait en dit long sur son véritable caractère. Il y a corrélation directe entre le mouvement « jeune turc » et les affaires de Macédoine ; le discours du baron d’Æhrenthal, les premiers travaux du chemin de fer du sandjak et l’annonce de nouvelles réformes exigées par la note anglo-russe ont hâté certainement le succès de la propagande du Comité Union et Progrès et la proclamation de la Constitution. Plus encore, peut-être, que ses procédés arbitraires et tyranniques, les Jeunes Turcs, — et c’est à leur honneur, — reprochent au régime hamidien de diminuer la patrie ottomane.

Le mouvement nationaliste ne se traduira point, bien entendu, par une expulsion en masse des étrangers, par une poussée de xénophobie brutale et irraisonnée analogue, par exemple, à la guerre des « Boxeurs. » Les Jeunes Turcs savent trop bien pour pouvoir l’oublier tout ce que leur pays doit aux étrangers pour ses finances, ses travaux publics, son armée même et sa marine ; leurs comités ont reçu, chez les nations occidentales, hospitalité et protection ; ils sont imbus des idées et des principes de gouvernement des peuples libéraux européens, mais