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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/143

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apprissent de bonne heure, dans les écoles et à l’Université, à se connaître et à ne pas se haïr. Sous l’influence de cette administration bienfaisante, le calme renaît dans la province ; les paysans bulgares, qui émigraient en masse en Serbie, reviennent ; ils oublient peu à peu leurs revendications nationales pour ne songer qu’à travailler en paix et à s’enrichir. Ainsi Midhat-pacha, de son chef, réalisait les réformes que les lois du Tanzimat avaient promises et que l’Europe, plus tard, devait inscrire dans le programme de Mürzsteg.

En Mésopotamie et en Arabie où il fut envoyé en 1869 comme vali de Bagdad et commandant du VIe corps, Midhat appliqua les mêmes méthodes ; il fut, là aussi, un initiateur ; il inaugura une politique arabe que la Turquie devra reprendre quand elle voudra établir sa suprématie et faire régner l’ordre parmi les tribus arabes nomades dont les incursions sont le principal obstacle au développement et à la prospérité du pays ; il rangea sous la souveraineté du Sultan ce port de Koveït dont il a été tant parlé depuis, et poussa une expédition militaire jusque dans les oasis du Nedjed. Il eut surtout, là comme en Bulgarie, le mérite de comprendre qu’on n’arriverait à une pacification durable du pays qu’en y accomplissant des réformes profondes, en changeant les conditions de la vie sociale et économique des indigènes. Le cultivateur arabe était obligé de payer au fisc un loyer pour sa terre et de lui remettre, de plus, les trois quarts du produit : c’était, en rendant impossible toute culture, ne laisser aux habitans d’autre ressource que le vol et le brigandage. Midhat reconnut aux Arabes le droit de propriété, divisa les terres en parcelles qu’il mit en vente à des conditions très avantageuses en ayant soin d’empêcher tout accaparement. En même temps, il se préoccupait de retrouver les méthodes d’irrigation qui, au temps des grands Khalifes, avaient fait de la Mésopotamie un immense jardin ; il suscitait des industries, exploitait un puits de pétrole, ouvrait des écoles et des hôpitaux mixtes, fondait des banques, une imprimerie, an journal, organisait les municipalités des villes. Mais Midhat ne pouvait qu’indiquer des voies, amorcer des entreprises ; le mauvais vouloir du Palais et de la Porte, les folles prodigalités d’Abd-ul-Aziz, la légèreté de son grand vizir Mahmoud-Nedim, paralysaient les initiatives les plus heureuses, faisaient dévier les intentions les meilleures. Midhat demanda son rappel en 1871 ;