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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/144

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à Bagdad comme sur les bords du Danube, il avait indiqué les méthodes à suivre et préparé l’avenir ; mais nulle part son œuvre ne survécut à son départ.

Revenu à Constantinople, Midhat y devint l’espérance de tout le parti réformateur et de celles des puissances européennes qui souhaitaient que la Turquie devînt forte pour qu’elle pût faire obstacle à la marche en avant du panslavisme. Appelé une première fois au grand vizirat par Abd-ul-Aziz, il s’était retiré découragé et impuissant. Cependant, dans tout l’Empire, grossissaient les périls qu’il avait depuis longtemps prévus et tenté de prévenir ; les populations chrétiennes, encouragées par la Russie et par l’Autriche, s’agitaient ; des insurrections éclataient en Bosnie, en Herzégovine, en Bulgarie : la Serbie et le Monténégro étaient en armes. Midhat prit une part prépondérante aux événemens tragiques de 1876, à la déposition d’Abd-ul-Aziz et à l’avènement de Mourad V, dont le premier acte fut de promettre une Constitution. Malheureusement Mourad, atteint d’une maladie nerveuse, était incapable de régner ; c’est alors que Midhat et ses amis lièrent partie avec le jeune prince Abd-ul-Hamid, qui se donnait pour plus démocrate et plus libéral que les réformateurs eux-mêmes ; dans une entrevue qu’il eût avec Midhat à Muslou-Oglou, il accepta sans difficulté toutes les conditions qui lui furent imposées et promit solennellement de promulguer sans délai la nouvelle Constitution et de ne prendre avis, dans les affaires de l’Etat, que de ses conseillers responsables.

Abd-ul-Hamid monta donc sur le trône et prit Midhat pour grand-vizir ; mais les libéraux ne tardèrent pas à s’apercevoir que le nouveau Sultan, infidèle à ses promesses, ne gouvernerait pas selon leurs vœux. Dans le discours du trône, écrit par Midhat, le Sultan supprima tous les passages les plus caractéristiques où un régime libéral et constitutionnel était promis et se contenta de vagues assurances de sa bonne volonté pour les réformes et de son amour pour ses sujets ; il biffa même les phrases relatives aux écoles ouvertes à tous ses sujets sans distinction, à l’affranchissement des esclaves, à la suppression de la traite, à la réforme des impôts. La Constitution fut promulguée le jour même où s’ouvrait la Conférence de Constantinople (23 décembre 1876). Abd-ul-Hamid n’y voyait qu’un moyen de faire diversion aux exigences des puissances en leur donnant