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les arts qui, à raison du rôle important qu’il y joue, s’appellent les arts du dessin. Ainsi que l’œuvre du musicien, celle du peintre est soumise à l’obligation de l’unité ; mais si le motif traité par le premier se développe successivement dans le temps, le peintre n’a pas cette ressource. Il lui faut choisir dans son sujet le moment qui lui semble le plus pittoresque, et grouper autour de ce moment décisif les particularités qui peuvent lui servir de commentaire, afin de donner à sa représentation toute la clarté, toute l’éloquence possibles. C’est l’observation et l’étude de la nature qui lui fournissent ses moyens d’expression, et les organes qu’il met en jeu sont différens aussi de ceux par lesquels agit le musicien. Les formes et les couleurs dont les réalités qui l’entourent lui ont fourni les modèles, c’est par son œil que le peintre les perçoit, par sa main qu’il les reproduit, en insistant sur les traits qui répondent le mieux à son idée. C’est donc de l’éducation parallèle de son œil et de sa main qu’il doit d’abord se préoccuper.

D’une personne à l’autre, les visions diffèrent et de ce fait déjà résultent des différences notables entre la façon dont peuvent être représentés les mêmes objets. Quand on parle de correction dans le dessin, ce n’est donc que d’une correction moyenne et toute relative qu’il s’agit. En présence de l’infinie variété des aspects de la nature, cette tâche de l’artiste est, on le comprend, très compliquée, car, de toutes les parties de son œuvre, le dessin est la plus essentielle. C’est lui qui en constitue le fondement et la charpente ; c’est sur lui que tout repose, c’est de lui que tout dérive. Aussi convient-il de s’y appliquer sans relâche : Nulla dies sine linea, dit le proverbe. Il faut avant tout habituer l’œil et la main à mesurer les distances, apprécier les directions, déterminer les contours de tous les objets. Quant à ces contours, tandis que la longueur et les inflexions des courbes échappent à nos estimations, celles des lignes droites nous sont plus facilement accessibles. De même que le géomètre, pour arriver à l’évaluation de la circonférence du cercle, considère celle-ci comme un polygone formé d’un nombre infini de côtés, le dessinateur peut aussi décomposer les courbes en une infinité de lignes droites et, par une série d’opérations successives, se rapprocher de plus en plus de la réalité. Si un œil exercé arrive à se passer de ces sortes d’équarrissemens qui lui servent d’intermédiaires, ils restent du moins au service de l’artiste comme un