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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/182

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si elle est ouverte à tous, doit cependant rester une aristocratie.

Plus que jamais, il est d’usage de répéter que, de nos jours, l’enseignement artistique est suranné. Il est certain que, toujours donné par des hommes appartenant à la génération précédente, cet enseignement ne peut paraître à la jeunesse que suranné. Qu’il le veuille ou non, d’ailleurs, l’artiste n’est pas tout à fait libre vis-à-vis de son temps, ni vis-à-vis du passé : il est l’élève de quelqu’un, à moins qu’il ne se pose en élève de lui-même, c’est-à-dire comme le remarque finement Léonard, « d’un maître fort ignorant. » Il subit aussi, sans le savoir, l’influence des chefs-d’œuvre de tous les temps. Quel artiste d’ailleurs pourrait, dans la formation de son talent, faire lui-même la part exacte de tous les composans qui l’ont constitué, démêler de façon précise ce qu’il doit aux autres et ce qu’il a reçu de la nature ?

En matière d’enseignement artistique, avec des fortunes diverses, bien des modes et des courans successifs ont agi sur l’opinion. A la suite de la Renaissance, alors que l’Italie ne produisait plus de chefs-d’œuvre, elle commença à jouir d’un prestige croissant chez les nations du Nord. Dans les Flandres, un séjour plus ou moins prolongé au-delà des monts était regardé comme le complément obligé de toute éducation. Enrôlés en société, sous le nom de Bande académique, les peintres flamands vivaient entre eux à Rome et rapportaient ensuite dans leur patrie « les saines doctrines et les vrais principes du grand art. » Si l’on ne voit guère quelle action un pareil séjour a pu exercer sur le vieux Brueghel, on ne saurait méconnaître que les huit années passées par Rubens, en Italie, au sortir de l’atelier de van Veen, ont eu sur la direction de son talent et même de sa vie une influence très marquée. De même, van Dyck serait-il tout ce qu’il est, s’il n’avait pas frayé à Rome, à Gênes et à Venise avec les œuvres des maîtres du portrait et avec les grands seigneurs et les grandes dames qui ont alors posé devant lui ? En revanche, la fondation par Cornelis de Harlem, dans sa ville natale, d’une académie où « les vraies méthodes italiennes » étaient professées, ne paraît pas avoir sensiblement modifié les tendances, ni les qualités spéciales de l’École hollandaise dont peu de temps après Harlem devenait le principal berceau. Il convient d’ajouter que dans cette académie l’étude de la nature était en honneur, car c’est d’elle seule que procède le talent si original de Frans Hals, qui fut pourtant l’élève de Carel van Mander, un apôtre