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supplia quelques prélats de l’accompagner. C’était le 19 avril ; Pie IX promit d’agir. Mais pour Senestrey des journées vides étaient des journées longues : trois s’écoulèrent, interminables, sans que Bilio eût pris encore la décision souhaitée ; aussitôt Senestrey, d’accord avec Manning, fit circuler une pétition que couvrirent, en vingt-quatre heures, 150 signatures ; elle conjurait le Pape, une fois encore, de faire discuter immédiatement le schema de l’infaillibilité. Le 27 avril, Bilio déclara que la députation de la foi s’occuperait immédiatement de cet objet : Senestrey avait gagné la partie, et la pétition du 8 mai, inspirée par Ketteler, et qui réclamait une dernière fois qu’on discutât préalablement les onze premiers chapitres du schema sur l’Église, était d’avance vouée à l’insuccès.

Arnim voulait protester, intimider, crier halte au concile ; mais aucun évêque allemand ne l’en priait. Un jour lui parvint une ouverture de Dupanloup, qui souhaitait qu’il réclamât du Pape la prorogation de l’assemblée. Bismarck télégraphia qu’il fallait rester tranquille, et demanda même, avec une insistance soupçonneuse, si la précédente démarche d’Arnim auprès d’Antonelli avait eu l’agrément préalable des évêques allemands. Il ne convenait pas à Bismarck, dont les regards étaient tournés vers la France, de déclarer la guerre au concile.

Sept longues semaines, du 13 mai au 6 juillet, le concile discuta. Cinq évêques d’Allemagne parlèrent : trois étaient de la minorité, deux de la majorité. Hefele, le 17 mai, développa les objections historiques ; ses conclusions militaient formellement contre le dogme. Tout autre, le 23 mai, fut l’attitude de Ketteler. « Pour ma part, déclarait-il, j’ai toujours maintenu, comme une opinion très hautement autorisée, l’infaillibilité du pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, et je l’ai toujours énoncée, comme telle, devant les fidèles de mon diocèse, sans m’être jamais heurté à des difficultés ou à des contradictions ; je ne garde qu’un doute : l’appareil de preuves théologiques qui militent pour cette doctrine a-t-il atteint, déjà, le degré de perfection qui est exigible pour une définition dogmatique ? » Ketteler croyait que non ; il craignait, aussi, que la définition ne portât préjudice à l’autorité traditionnelle des évêques. A ces deux voix allemandes, l’une anti-infaillibiliste, l’autre antiopportuniste, succéda, le 28 mai, celle de Senestrey ; elle affecta de n’être qu’un écho ; Senestrey faisait déposer devant le concile,