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en faveur de l’infaillibilité, un certain nombre des théologiens de l’antique Allemagne. Dinkel, le 3 juin, contesta que le texte de l’Evangile sur la primauté de Pierre pût être allégué en faveur de la définition. Puis, le 25 juin, Ketteler reprit la parole ; et jamais discours d’un prélat opposant ne fut écouté avec un tel recueillement, respectueux et cordial. Il combattit les formules de Cajetan sur l’infaillibilité, affecta, lui, de se mettre à la suite de Bellarmin, et s’efforça d’établir, non sans obscurité, que le schema proposé ne concordait pas avec l’opinion du célèbre Jésuite. Enfin Martin, le 30 juin, apporta derechef aux idées infaillibilistes l’hommage de l’Allemagne : il maintint, contre le Viennois Rauscher, que ce n’était pas suffisant d’estimer les décisions du Pape moralement vraies, et qu’il fallait nier la primatie si l’on niait l’infaillibilité ; et de même que Senestrey avait fait comparaître les docteurs du moyen âge germanique, Martin citait à la barre du concile Luther en personne, lequel avait cru, lui aussi, que la foi dans la primatie papale entraînait la foi à l’infaillibilité.

Le 4 juillet, les débats furent clos : partisans et adversaires de la définition se trouvèrent d’accord pour la première fois, et ce fut pour se taire. La chaleur en fut cause, et puis l’épuisement des argumens, et surtout, peut-être, un certain état d’esprit dont Ketteler, dans une lettre à Dechamps, donne pour lui-même le témoignage : « Toute ma vie, écrivait-il, j’ai lutté avec allégresse contre les ennemis de l’Église, et je l’aurais fait jusqu’à ma mort, sans que ces luttes me fatiguassent ; mais la malheureuse lutte qui maintenant divise les évêques me fatigue et m’épuise. » Le 13, on vota sur le schema de l’infaillibilité : 451 voix approuvèrent, 88 repoussèrent, 62 réclamèrent des modifications. Un dernier vote restait à émettre : il devait porter sur l’ensemble du chapitre concernant la primatie, et précéder immédiatement la promulgation par le Pape, qui donnerait au schema de l’infaillibilité la valeur d’un dogme. Des pourparlers s’ébauchèrent entre les deux fractions du concile : Ketteler, Dinkel étaient tout prêts à accepter une nouvelle formule rédigée par Franzelin. Mais d’autres prélats opposans menaçaient de lire, à la séance suprême, une protestation solennelle, et de contester que leur conscience fût liée par une déclaration à laquelle manquait, diraient-ils, l’unanimité morale. Ces saillies de mauvaise humeur n’eurent d’autre suite que de faire échouer, peut-être,