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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les affaires du Maroc viennent d’entrer dans une phase nouvelle : le fantôme de pouvoir qui restait encore à Abd-el-Aziz s’est subitement évanoui, et Moulaï Hafid est devenu seul maître de la situation. Comment le fait s’est-il produit ? La dernière fois que nous avons eu à parler des deux frères ennemis, Abd-el-Aziz avait enfin quitté Rabat et s’était mis en marche dans la direction de Marakech : quant à Moulaï Halid, il ne bougeait pas de Fez. Depuis lors, les dépêches avaient été généralement favorables à Abd-el-Aziz ; il ne rencontrait, disaient-elles, aucun obstacle, ou, s’il en rencontrait, il les surmontait ; les tribus, sur sa route, se ralliaient à lui ; enfin, il était arrivé à deux étapes de Marakech, où un dernier effort devait l’introduire. Voilà ce qu’on racontait ; mais, à la première rencontre un peu sérieuse qu’elle ait faite, la mehalla du Sultan s’est débandée. La panique s’est mise dans ses rangs. Ç’a été un sauve-qui-peut général. On dit que l’infortuné Abd-el-Aziz a montré personnellement beaucoup de courage, mais il a été emporté dans la déroute générale et ne s’est arrêté qu’à Settat, le premier poste français au Sud de la Chaouïa. Son aventure était terminée. Il avait laissé choir sa couronne dans des conditions qui ne lui permettaient plus de la ramasser : elle était déjà sur le front de Moulaï Hafid.

Ce dénouement n’a rien de surprenant. Dès les premiers jours de son règne, on a pu constater qu’Abd-el-Aziz était au-dessous de la rude tâche qui lui incombait. Il n’avait aucune des qualités nécessaires pour maintenir dans l’ordre un peuple anarchique et guerrier ; son intelligence, qui semblait assez vive, était superficielle, légère, puérile ; ses goûts aussi étaient ceux d’un enfant. Cette faiblesse du souverain devait faire naître des tentations, non seulement dans son entourage immédiat, mais encore hors des frontières du Maroc. La cour chérifienne n’a pas tardé à devenir un nid d’intrigues :