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l’armistice. Un Monténégro indépendant, triplé, avec deux ports sur la mer Adriatique ; une Serbie indépendante et légèrement accrue ; une Roumanie également indépendante, augmentée de la Dobroutcha, mais rétrocédant, en échange, la Bessarabie à la Russie ; une Bulgarie puissante, s’étendant du Danube à la Thessalie, de la mer Egée à la Mer-Noire, ne laissant à la Turquie, en Europe, que Constantinople et Salonique avec des territoires insignifians ou sans communication les uns avec les autres, que par la mer ; cette Bulgarie placée, pour longtemps, avec un prince autonome, sous la haute protection de la Russie ; la Russie gagnant, en Asie, le port de Batoum et des territoires importans en Arménie ; des stipulations favorables pour les pèlerins et moines russes circulant dans l’Empire : pour la Bosnie et Herzégovine, pour l’Arménie, pour la Crète, une demi-autonomie avec une sorte de droit d’ingérence de la Russie dans les affaires intérieures de ce qui reste de la Turquie ; une indemnité de guerre de 300 millions de roubles, et enfin, en ce qui concerne les Détroits, une clause les ouvrant, en temps de paix comme en temps de guerre, aux navires marchands russes et neutres se dirigeant vers les ports russes.

A diverses reprises, il est vrai, l’acte prévoit une intervention, une sanction ou une collaboration des puissances, mais toujours sur des points spéciaux, non sur l’acte en général. Gortschakoff, en pesant minutieusement les termes du traité, n’a pas abandonné sa phrase « sur la liberté d’action et la liberté d’appréciation. » Il cède dans la forme, mais tient ferme au fond. L’acte est signé, au nom de la Russie, par le général Ignatieff (ce nom dit tout ; et par M. de Nelidoff ; au nom de la Turquie, par Safvet pacha et Sadoullah bey.

Publié au lendemain des déclarations du prince de Bismarck, après les réserves de l’Autriche et les injonctions de l’Angleterre, il accule tout le monde à une impasse.

En Angleterre, il y eut un sursaut. On vit se produire, soudain, un de ces mouvemens où la colère s’allie au sang-froid et par lesquels la nation anglaise manifeste qu’elle est résolue à « donner, » s’il le faut, et à chargera fond derrière ses chefs. Ces mouvemens, spontanés et disciplinés à la fois, comptent parmi les plus beaux phénomènes de l’histoire et ils expliquent la grandeur de l’Angleterre. Même, dans leur unanimité dramatique, il y a de la tactique et, comme on dit, du bluff. Prenez