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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/32

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d’avoir nourri ses enfans soi-même. J’espère que l’accident de monsieur votre beau-frère n’aura pas de suite, que le cher mari est de retour près de vous, et que la maman, bientôt de retour de sa campagne, achèvera de vous ramener tout ce qui vous est cher ; dans votre famille, s’entend ; encore ceci n’est-il pas bien juste ; car enfin les cousins d’adoption sont bien aussi des espèces de parens pour le moins.

L’épinette est arrivée en assez bon état et me paraît fort bonne. Je compte qu’elle me fera grand bien cet hiver, à quoi contribuera beaucoup de penser à la main qui me l’a procurée. Puisque vous faites si bien et de si bon cœur mes commissions, j’ai grande envie de ne vous en pas tenir quitte et surtout pendant le séjour de la maman à sa campagne. Reste à savoir si vous pouvez faire vous-même celle dont j’aurais maintenant à vous charger et qui n’est guère une commission de femme : car j’ai déjà donné trop de tracas à monsieur votre frère, et je ne veux absolument plus l’en accabler.

Il s’agit d’une fourniture de beau papier bien battu et fort, de trois ou quatre feuilles de beau carton fort et bien battu, de trois ou quatre feuilles de beau papier bleu, d’autant de papier rouge. Le tout destiné à placer et coller des plantes que j’ai apportées de Pila pour les envoyer à Mme la Duchesse de Portland en bon état[1]. La grandeur du papier et du carton n’importe pas, parce que je couperai l’un et l’autre sur la grandeur de la boîte que je ferai faire. Le papier de couleur est pour faire ressortir les plantes à fleurs blanches sur un fond d’une autre couleur. J’estime que le papier blanc et fort dont on enveloppe les étoffes de soie serait assez mon affaire, et qu’une trentaine de feuilles à peu près de la grandeur de celle-ci toute ouverte me pourraient suffire. J’ai pensé, pour diminuer un peu à mes yeux mon indiscrétion, qu’en faisant venir le papetier qui sert votre maison et lui lisant mon article, il comprendrait suffisamment de lui-même ce que je demande, et pourrait vous envoyer la petite fourniture toute arrangée ; en ce cas, vous auriez la bonté de la faire porter au carrosse de Grenoble à l’adresse du sieur La Tour, ou bien je pourrais vous envoyer chez vous la coquetière de Bourgoin, et en ce dernier cas Mme Renou vous supplierait

  1. Rousseau, pendant son séjour en Angleterre, herborisait avec la jeune et jolie duchesse de Portland (fille du duc de Devonshire). Ils restèrent en relations épistolaires : leurs lettres ne parlaient guère que de botanique.