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Malgré les efforts de Lamartine, et ceux de Dupin, de Dufaure, surtout de Royer-Collard, âgé alors de soixante-douze ans, et qui n’avait pas paru à la tribune depuis 1831, la loi fut votée à une grande majorité[1]. C’est là, sans doute, une « date » dans l’histoire de la Monarchie de juillet : c’en est une aussi dans l’histoire de la carrière politique de Lamartine. Pour la première fois, il vient de s’essayer à l’opposition. Il en a « goûté » la saveur : il ne l’oubliera plus.

M. Thiers ne s’y était pas trompé, et, dans sa brève algarade, il avait frappé juste : talens, vertu, ambition, c’est tout le Lamartine politique. Entendons-nous bien ! Le niveau des caractères s’est tellement abaissé que nous en sommes à ne plus même comprendre le sens de ce mot : ambition. Nous n’y voyons plus que l’« arrivisme, » le désir de s’emparer du pouvoir considéré comme source de profits et moyen de jouissances. Appliquer une telle conception à Lamartine ne serait pas seulement une calomnie, ce serait une sottise. Mais il est une autre ambition, celle du politique qui veut être associé à la vie de son pays, influer sur ses destinées et le conduire dans une voie qu’il croit la meilleure. C’est de celle-là qu’il s’agit. On peut, sans crainte de se montrer injuste, parler de l’ambition de Lamartine, — à condition d’ajouter qu’elle était immense.


COMMENT LAMARTINE IMPROVISE

Le moment est venu de suivre l’orateur à la tribune, et, à l’aide des documens que nous possédons, d’étudier les procédés de son éloquence.

Dans l’article que, tout à l’heure, nous voyions Lamartine rap- peler si allègrement à M. de Montherot, et qui avait paru dans la Nouvelle Minerve du 26 avril 1835, Cormenin traçait de l’orateur ce portrait malveillant : « M. de Lamartine, comme orateur politique, vit sur sa réputation de poète. Il n’a rien de passionné, rien d’inspirateur dans le regard, le geste et la voix. Il est sec, compassé, sentencieux, impassible. Il brille et n’échauffe point... M. de Lamartine récite et n’improvise pas ; mais tous ces discours appris, qui jouent l’improvisation, ne sont-ils pas un mensonge ? Pourquoi tromper les auditeurs et se donner des airs de facilité

  1. Cf. Thureau-Dangin, Histoire de la Monarchie de juillet, t. II, p. 315.