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sur les affaires d’Orient dans la séance du 1er juillet 1839. Rappelons-en le dessein et les passages les plus saillans, afin qu’on ait sous les yeux les élémens de comparaison.

Le conflit venait d’éclater entre le Sultan, Mahmoud, et le pacha d’Egypte, Méhemet-Ali. La préoccupation dominante, en France, était d’empêcher la Russie d’intervenir seule en Orient. Lamartine, le premier jour de la discussion, monta à la tribune pour proposer un partage égal de la Turquie entre les puissances. « Le plus difficile dans des questions de cette nature, déclarait-il, ce n’est pas de les résoudre, c’est de les bien poser : il va s’y essayer, ce sera avoir fait beaucoup. Il distingue trois systèmes. — Le système turc, loyal en apparence : ses partisans voient dans la Turquie un boulevard contre la Russie et un moyen de diversions puissantes. Mais il n’y a plus de Turquie. Est-ce l’Empire ottoman que la Crimée, la Valachie et la Moldavie, Chypre, la Syrie, l’Egypte ? Non. Que reste-t-il ? Constantinople pressée entre l’embouchure de la Mer-Noire et celle des Dardanelles, et, dans cette capitale, un empereur héroïque mais impuissant. Ce sont les dernières scènes de l’Empire grec renouvelées à la chute de l’empire de Mahomet II. Voilà le colosse qui doit supporter le poids de la Russie ! — Passons vite au système arabe. M. de Carné nous dit : « Oui, l’Empire turc penche vers sa ruine, mais les grands hommes rajeunissent quelquefois les empires. » Point d’analogie entre l’Orient et l’Occident ; un grand homme, en Occident, fonde quelque chose qui doit durer après lui : le grand homme d’Orient, en mourant, replie tout son génie après lui, comme il replie sa tente. Méhémet est vieux, Ibrahim est d’une santé chancelante. Où voit-on l’unité arabe ? L’Empire arabe aurait tous les vices de l’Empire ottoman avec la légitimité de moins. — De ces deux mauvais systèmes, y a-t-il moyen d’en faire un bon, celui du statu quo préconisé par l’Angleterre ? Lamartine a beau être partisan de l’alliance anglaise : il aurait compris le statu quo avant les traités de 1774 ou de 1792, après 1813, avant Navarin. À l’heure actuelle, ce serait une dérision. « Si la Turquie vous importe, allez donc au secours, non pas de la révolte établie en Syrie, mais de la légitimité impériale à Constantinople ! » Il n’y a pas de plus belle page que la lutte de Mahmoud avec les janissaires. « Avec un pareil homme, une tentative de résurrection des Ottomans serait chanceuse, mais au moins elle ne