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siècles et des siècles, jusqu’à Guy d’Arezzo. Un peu plus avancée la musique instrumentale, celle des instrumens à cordes surtout, dont le mode d’accord avait fait découvrir les trois consonances primitives (octave, quinte et quarte) et, d’après les différentes dispositions de ces consonances, les cinq premières échelles de la tonalité.

En ce temps-là, qui disait poète, disait musicien ; vers et musique naissaient du même cerveau ; ni Eschyle, ni Sophocle, ni Euripide, n’auraient jamais soupçonné la possibilité d’un littérateur et d’un musicien collaborant à la même œuvre. Pour eux, littérature et composition, c’étaient les deux ailes d’une même façade, symétriquement disposées par le même architecte. Parfois même, c’était par l’« aile » musicale que commençait la construction. En examinant dans certaines fantaisies rythmiques de Pindare la coupe irrégulière du vers, ne semble-t-il pas qu’il ait dû écrire sa musique tout d’abord, puis s’efforcer de faire coïncider les mots avec la ligne mélodique ? Le dédoublement des fonctions du poète-musicien ne se fera que trois ou quatre cents ans plus tard et non pas au pied du Parnasse ou du Pinde, mais sur les bords du Tibre, quand Rome ayant conquis le territoire de la Grèce, le génie de la Grèce à son tour se sera emparé de l’âme latine. Alors les poètes commenceront à s’adresser à des compositeurs pour la musique de leurs pièces : Plante, Térence et leurs successeurs.

C’est du Palatin désormais que rayonne le flambeau du monde ; la nuit s’est faite sur la patrie d’Homère ; l’Agora est déserte ; les murs du Parthénon ne renvoient plus l’écho des blanches théories ; pillées les richesses du temple : plus de théâtres, de concerts, de chants, de danses ; poètes et philosophes, peintres et sculpteurs, acteurs et mimes, tous ont émigré. Cicéron se plaint de l’envahissement du Forum par ces bandes exotiques qui finissent par corrompre la pureté de la langue. Dans les rues de Rome, au théâtre, au cirque, dans les écoles, on parle plus grec que latin ; dans le monde élégant, sous l’influence des citharistes et des aulètes de Phrygie ou de Béotie, c’est à qui travaillera la lyre, la tibia, la trompette, l’orgue même.

Sur le théâtre de Naples, Néron chante en grec un Nome citharodique : « Vers la fin de sa vie, il avait fait vœu, si l’empire lui restait, de paraître aux jeux destinés à célébrer sa victoire, d’y jouer de l’orgue, de la flûte, de la cornemuse, et