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Troisième période : naissance, développement et maturité du contrepoint vocal. En tête des maîtres illustres : Guillaume du Fay (1420). Après lui, le Flamand Jean Van Okeghem (1434) auquel succède Josquin des Prés, son glorieux disciple (1465- 1521), A la même époque, paraît le premier traité de contrepoint dû à Jean Tinctoris, chanoine de Nivelles, musicien et jurisconsulte (1477). Au XVIe siècle en France, en Belgique, en Allemagne, Angleterre, Italie et Espagne, partout de remarquables contrepointistes dont le dernier venu reste le plus illustre de tous, Pierluigi da Palestrina.

Et puis, tout à coup, changement à vue : abandon des modes grecs, de la polyphonie vocale, du système consonant (1600) : l’harmonie dissonante vient de naître et avec elle l’unité tonale, le chant à voix seule, la polyphonie instrumentale. Et il ne faudra pas plus de cent ans à l’art nouveau pour atteindre son plein épanouissement et déployer, dans l’œuvre de Bach, une richesse qui n’a point encore été dépassée.

Ici nous proposons un problème aux Aristotes futurs :

« Comment expliquer que l’humanité ait mis dix-neuf siècles à découvrir la consonance de tierce, et vingt et un à admettre l’accord de septième, c’est-à-dire la dissonance, tierce et septième étant les harmoniques d’une même fondamentale ? »

Il est aussi impossible à un son de ne pas faire naître autour de lui d’autres sons (harmoniques) que notre oreille n’entend pas[1], qu’à un caillou tombant dans un bassin de ne point soulever des ondes circulaires qui, se propageant à l’infini, se rapprochent peu à peu les unes des autres jusqu’à paraître se confondre. Admettons pour son fondamental l’ut grave du violoncelle (ut 1) ; si les ondes du bassin pouvaient affecter notre oreille, la première produirait l’octave aiguë du son 1 (ut2) ; la seconde, la quinte au-dessus de cette octave aiguë (sol2) ; la troisième, sa double octave (ut3), puis mi, sol, si b3 ; puis ut4, ré, mi, fa, sol, la, si b, si4, puis ut5, etc., progression mathématique analogue à celle qui s’obtient en coupant une corde en sa moitié, son tiers, son quart, son cinquième, etc., ou en soufflant dans un tube pour en faire vibrer la colonne d’air tout entière, ou sa moitié, son tiers, son quart, son cinquième, etc.

  1. Une oreille exercée peut percevoir les deux ou trois premiers sons harmoniques d’une fondamentale quelconque ; dans certains instrumens, l’octave et la quinte s’entendent même assez agressivement.